Agriculteur à Pacé et bénévole au Festival Belles Etoiles-Pacé (35)
Il y a des champs où paissent les vaches… et où, parfois, la musique s’invite.
À Pacé, à côté de Rennes en Bretagne, dans le département d’Ille-et-Vilaine, Thierry Lemarchand élève une centaine de vaches Froment du Léon, une race rare, presque disparue dans les années 70. De leur lait, il fabrique un beurre d’exception : le beurre de Madame, au jaune intense et au goût variable selon les saisons. Ce beurre raconte à lui seul une certaine idée du soin, de la patience, et de la fidélité au vivant.
Du 4 au 6 juillet, c’est ce même champ, habituellement pâturé, que Thierry met à disposition pour accueillir tout autre chose : un moment de lien, simple et sincère. Le festival Belles Étoiles s’y installe pour sa toute première édition, porté par une équipe de bénévoles et de passionnés. Un projet collectif, né presque sans budget, mais avec cette conviction commune : qu’un territoire peut se souder autour de gestes généreux et d’un même désir de vivre ensemble.

AAS : Bonjour Thierry, peux-tu te présenter et nous dire ce qui t’a donné envie de rejoindre l’aventure Belles Étoiles ? Comment s’est faite la rencontre ?
THIERRY LEMARCHAND : J’habite à Pacé, je suis producteur de lait que je transforme en beurre. J’ai été sollicité par un groupe de Pacéens il y a quelque temps : ils cherchaient un terrain pour accueillir le festival Belles Étoiles. À cette période de l’année, début juillet, la plupart des parcelles sont occupées par du maïs ou des céréales. J’étais l’un des seuls agriculteurs à disposer de terrains en herbe, disponibles à ce moment-là. L’idée m’a tout de suite plu. L’équipe du festival était super sympa, et c’est comme ça que je me suis lancé. À la base, je ne connaissais personne dans l’organisation, et de savoir que c’était pareil pour beaucoup d’autres, je me suis dit que c’était une belle opportunité de créer du lien entre les habitants du territoire.
AAS : Mettre un champ à disposition pour un premier événement culturel, ce n’est pas rien. Pourquoi ce geste et qu’est-ce que ça représente pour toi ? Tu as dit oui tout de suite ou tu as pris le temps de réfléchir ?
THIERRY LEMARCHAND : C’est venu spontanément. Je savais que l’équipe avait la capacité de monter quelque chose de bien, et je me suis dit : hop, on y va ! C’était une super occasion. Mon champ avait juste besoin d’être fauché pour accueillir les scènes et tout le reste. C’est sûr, ce n’est pas simple pour une première fois, et on aura forcément des imprévus, mais l’objectif a toujours été de réussir tous ensemble, pour donner envie de continuer avec d’autres éditions.

AAS : Dans un contexte où la culture comme l’agriculture manquent souvent de moyens, penses-tu que la solidarité entre habitants, agriculteurs et artistes peut faire bouger les lignes ?
THIERRY LEMARCHAND : Il y a toujours eu des liens très forts entre le monde agricole et le milieu culturel. Ce qui est étonnant, c’est que ça étonne ! On est comme tout le monde : on écoute de la musique, même si ce n’est pas forcément dans les mêmes lieux. Je ne vais pas souvent à des concerts ou des festivals, par manque de temps avec mon métier. Honnêtement, ça fait très longtemps que je n’ai pas assisté à un événement musical. Mais le fait que ce soit des artistes émergents qui se produisent dans mon champ, ça m’a tout de suite parlé. Ça avait vraiment du sens.
AAS : Justement, te souviens-tu de ton dernier concert ou festival ?
THIERRY LEMARCHAND : Si je réfléchis bien… je crois que le dernier concert, c’était celui de Pascal Obispo à Rennes. Il y a eu aussi Francis Cabrel, et d’autres… Mais ça remonte à 25 ou 30 ans.
AAS : Le festival Belles Étoiles est né presque sans soutien institutionnel, à part celui de la mairie de Pacé. Le reste repose sur du soutien privé, avec un objectif : faire vivre Pacé, créer du lien, faire la fête. C’est un projet collectif. Qu’est-ce que ça t’inspire de voir des gens se battre pour créer quelque chose sans rien attendre de personne ?
THIERRY LEMARCHAND : C’est vrai que Belles Étoiles a réussi à obtenir un budget grâce à l’implication de toutes les personnes qui y croient depuis le début : partenaires, commerçants, mécènes, bénévoles. Et puis, quand on n’a pas de moyens, il faut faire avec ce qu’on a : se retrousser les manches, aller frapper aux portes. Pour ma part, je ne me voyais pas facturer quoi que ce soit au festival, surtout pour une première édition. En tout cas, c’est bien parti, et on y croit fort.

AAS : Y a-t-il un moment particulier que tu attends ? Un artiste que tu as envie de voir ? Ou c’est surtout l’envie d’être là, de retrouver l’esprit de la fête ?
THIERRY LEMARCHAND : Je connais le groupe Superbus, mais j’ai découvert tous les autres artistes de la programmation. C’est normal, ce sont des artistes émergents, mais ils ont du potentiel, on sent qu’ils sont en devenir. J’ai surtout envie d’être là pour vivre le moment, rencontrer des gens, retrouver un peu l’esprit festival que j’avais connu il y a longtemps.
AAS : Au-delà du prêt du champ, on m’a dit que tu t’étais aussi impliqué dans la restauration. Peux-tu nous expliquer ?
THIERRY LEMARCHAND : Oui, en fait, comme dans toute organisation, il faut bien entendu penser à tout et surtout avoir le meilleur accueil possible pour que les gens se souviennent de ce festival. Pour la restauration des festivaliers, il y aura des food trucks. Il y en aura pour tous les goûts. Et pour les artistes, j’ai mobilisé des professionnels de la restauration pour faire découvrir des plats plus élaborés, mais surtout pour faire voir notre savoir-faire, notre région, avec les produits du terroir.
AAS : Tu es aussi à l’origine du beurre « Le Beurre de Madame ». Est-ce qu’on va pouvoir le goûter pendant le festival ?
THIERRY LEMARCHAND : Pour les festivaliers, ça risque d’être un peu compliqué. Il n’y aura pas de stand spécifique, mais on peut en trouver à Pacé, dans le magasin de producteurs Le Carbasson. En revanche, les artistes auront l’occasion de le découvrir dans les plats qui leur seront proposés. J’ai laissé carte blanche aux cuisiniers : ils utiliseront les produits qu’on leur fournit pour préparer de très bons plats.
Il ne s’est vraiment jamais imaginé faire partie d’un festival.
Il n’en parle pas comme d’un exploit, juste comme d’un coup de main.
Thierry n’en dira pas plus, mais tout laisse à penser qu’il serait heureux de voir son champ vivre autrement, le temps d’un week-end.
Rendez-vous les 4, 5 et 6 juillet 2025 au FESTIVAL BELLES ETOILES
