MaMA FESTIVAL 2025

Du 15 au 17 octobre 2025 PARIS (75)

Du 15 au 17 octobre 2025, Pigalle et Montmartre accueilleront le MaMA Festival & Convention. Point de rencontre majeur des pros de la musique, mais aussi terrain de découvertes pour le public, le MaMA souffle cette année sa 15ᵉ bougie. Son co-directeur, Fernando Ladeiro-Marques, revient avec nous sur les défis du secteur et la place unique qu’occupe le MaMA dans la filière musicale.

AAS : On est à l’approche de cette 15ᵉ édition. Vous avez choisi d’ouvrir avec un gros plan sur l’état du secteur musical. Selon vous, dans quel état est le secteur aujourd’hui ?

FERNANDO : Le secteur de la musique dépend fortement de la réalité économique actuelle. Et aujourd’hui, on sait que la situation est compliquée. Depuis deux ou trois ans, une vraie inquiétude s’est installée. Il suffit de regarder ce qui s’est passé cet été : comme l’année dernière, beaucoup de festivals n’ont pas atteint leurs objectifs, et certains sont en danger. Bien sûr, il y a toujours les grandes tournées d’artistes français ou internationaux qui remplissent des stades. Mais ça, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Ces réussites ponctuelles ne reflètent pas l’état global du secteur. C’est un secteur qui connaît des difficultés pour de nombreux acteurs : les petites salles, les festivals indépendants, les artistes émergents… Globalement, il est fragilisé depuis plusieurs années.

FERNANDO LADEIRO-MARQUES©

AAS : Depuis 15 ans, le MaMA est un lieu de réflexion. Mais qu’en ressort-il vraiment ? Comment vous assurez-vous que les idées débattues trouvent un écho réel pour les artistes et pour le public ?

FERNANDO : L’écho est multiple. Il vient des échanges, des rencontres, des décisions prises pendant les débats du MaMA, mais aussi des discussions plus informelles qui ont lieu autour. Des syndicats sont présents, donc il y a aussi des choses concrètes qui se mettent en place. Et puis il y a l’écho médiatique : les retranscriptions, les comptes rendus, qui permettent aux artistes et au public d’être informés de ce qui s’est dit. Après, on n’est pas là pour décider à la place des autres. Notre rôle, ce n’est pas d’imposer des décisions ou de les appliquer. C’est de créer les conditions pour que les choses puissent se faire : que les gens se rencontrent, se parlent, construisent ensemble, et parfois, qu’ils trouvent des outils pour avancer. Notre fonction s’arrête là : nous ne sommes pas des décideurs de la musique. On est là pour faciliter les connexions.

Aujourd’hui, le MaMA est devenu un point de rencontre majeur pour la filière musicale française et au-delà. Quand on veut croiser les pros de la musique française, on vient au MaMA. Parce que tout le monde y est : spectacle vivant, musique enregistrée, innovation, institutions, festivals, éditeurs…

AAS : Le MaMA est autant un lieu de réflexion qu’un lieu de concerts. J’ai repéré le débat “Imaginer le festival de demain”. Pourquoi avoir choisi ce thème en 2025, et en quoi reflète-t-il, selon vous, les mutations actuelles du secteur ?

FERNANDO : Ça, on le saura à la fin du débat ! Je ne sais pas ce qui va en ressortir. Nous, on propose des axes qui nous semblent intéressants au regard des sujets d’actualité. Et les festivals, c’est un vrai sujet. On voit bien depuis quelques années qu’ils ont besoin de se renouveler, parce que le public a changé. Avant, il suffisait de mettre des artistes sur scène, dans une prairie, et tout le monde était content. Aujourd’hui, ce n’est plus suffisant. Les gens attendent autre chose : des expériences.

Les festivals doivent se réinventer en termes d’accueil, de confort, et proposer des formats différents. Réunir des gens devant une scène ne suffit plus, il faut qu’il y ait une dimension en plus. Et la programmation devient compliquée : les têtes d’affiche coûtent très cher, les frais de production ont explosé ces dix dernières années. Peu de festivals peuvent encore se permettre de grosses têtes d’affiche. Et en même temps, certains préfèrent voir ces artistes dans une salle, en concert unique, plutôt qu’en festival au milieu d’autres propositions. C’est un vrai changement : le public a évolué, et il faut suivre ce mouvement en proposant autre chose, d’autres expériences.

Certains festivals ont déjà commencé à s’engager sur des thématiques fortes. We Love Green, par exemple, a pris l’axe du développement durable, qui parle beaucoup à la jeunesse et va au-delà de la seule musique. Ce genre de démarche peut attirer un nouveau public. On est dans une période de transition. Il y a eu le COVID, qui a tout changé, notamment avec l’arrivée d’un nouveau public, pour qui le live n’est plus forcément une priorité. Avant, on ne se posait pas de questions, on y allait. Aujourd’hui, après cette période étrange, beaucoup ont perdu l’habitude d’aller dans une salle ou dans un festival. Il faut donc inventer de nouvelles façons de faire. Mais en même temps, c’est très stimulant : c’est souvent dans ces périodes floues qu’on réussit à proposer des choses intéressantes. C’est une période qui oblige à réfléchir, à prendre du recul. À penser demain, pas juste aujourd’hui.

AAS :  L’un des débats porte sur “L’authenticité dans la musique”. En quoi ce sujet vous paraît-il crucial dans la période actuelle, pour les artistes comme pour le public ?

FERNANDO : Je pense que l’authenticité est un enjeu majeur, pas seulement dans la musique, mais dans la vie en général. Il faut essayer, autant que possible, d’être authentique. Mais ce débat-là, ce n’est pas un débat porté directement par le MaMA : il est porté par Cosylab.En fait, au MaMA, on a deux types de débats : • ceux qu’on porte nous-mêmes, où l’on choisit les thèmes, les modérateurs, les intervenants, les axes de discussion ; • et ceux portés par nos partenaires, qui nous soumettent des propositions. On réfléchit ensemble à l’intérêt ou non de les accueillir. Si c’est un sujet qu’on a déjà abordé dans deux ou trois débats, ce n’est pas la peine d’en faire un de plus.

Parmi les débats portés par le MaMA, on distingue plusieurs formats : • les Grands Débats, où l’on prend du recul, on essaie d’anticiper l’avenir de la filière • les MaMA Invent, axés sur l’innovation et les sujets sociétaux ; • et le CozyLab, dans lequel s’inscrit ce débat sur l’authenticité.

Le CozyLab, c’est au Trianon, dans un format très sympa. C’est une rencontre plus informelle : les intervenants montent sur scène, et certains sont ensuite invités à participer à ces moments plus proches du public. À l’origine, c’était prévu pour une vingtaine de personnes ; l’an dernier, on est monté à 200. Même avec 200 personnes, la proximité change tout : les échanges sont directs, spontanés. Peut-être que ce format touche aussi un public plus jeune, mais c’est intéressant d’aborder le thème de l’authenticité. Parce que, pour moi, un artiste, qu’il soit musicien, acteur, peintre, peu importe… l’authenticité est un moteur essentiel. Si on veut toucher les gens, il faut être convaincu de ce qu’on fait. Pas juste le faire par stratégie ou par intérêt. Certains le font, on ne peut pas toujours le savoir. Mais si, dès le départ, on n’est pas authentique, c’est quand même un peu gênant.

Ce débat en est un bon exemple : des personnes qui auraient un discours plus institutionnel sur une scène classique deviennent aussi plus authentiques dans un cadre plus intime. Les gens disent des choses qu’ils ne diraient pas dans un débat plus formel.

AAS : Avec toutes ces conventions, comment vous assurez-vous que les idées débattues au MaMA trouvent un écho réel dans les pratiques, et ne restent pas de simples paroles ?

FERNANDO : En fait, nous, on n’a pas entre les mains le futur de l’après-conversation.C’est un peu comme pour la programmation. On accueille 150 à 160 artistes sur trois jours. On fait en sorte qu’ils soient vus par un maximum de professionnels, pour qu’il se passe quelque chose ensuite. Pour les artistes internationaux, l’objectif est souvent de décrocher une tournée en France, surtout s’ils n’ont pas encore de booker local. Pour les artistes français, c’est l’occasion d’être repérés par les pros étrangers. Sur les 7 000 pros accrédités, environ 10 % viennent de l’international ; on comptait 51 pays l’an dernier. On met donc tout en place pour provoquer les rencontres. On a créé Avant-Garde, par exemple : on programme 12 artistes, 4 par jour, uniquement français, qui jouent 3 ou 4 morceaux aux Trois Baudets, en après-midi, devant un public composé exclusivement de pros internationaux, pour favoriser l’export. Mais ce qui se passe ensuite, ce n’est pas entre nos mains. On n’est ni bookers ni agents.

Notre rôle, c’est de créer les conditions les plus favorables possible : que les discussions aient lieu, qu’elles s’enrichissent, parfois même qu’elles s’entrechoquent. Le but, c’est que chacun puisse dire ce qu’il a à dire, imaginer l’avenir, dessiner des perspectives. Pour moi, la meilleure preuve que ça fonctionne, c’est que les gens reviennent. S’ils reviennent, c’est qu’ils y ont trouvé leur compte.

AAS : Le MaMA est reconnu comme un accélérateur de carrière. Mais qu’en est-il des artistes plus indépendants, sans entourage professionnel ? Quelle place leur laissez-vous dans cette vitrine ? Comment le MaMA peut-il être une plateforme pour eux ?

FERNANDO : On n’est qu’un maillon de la chaîne. Très souvent, un artiste passe au MaMA, personne ne le connaît, et quelques mois plus tard, il signe. C’est le cas d’Angèle, dont le premier concert en France a eu lieu chez nous. Juste après, elle a signé. Pareil pour Eddy de Pretto. Beaucoup d’artistes explosent un an ou deux après leur passage ici. Quand on regarde les Victoires de la musique, la moitié des artistes programmés sont passés par le MaMA l’année précédente. Oui, à ce niveau-là, on joue un rôle d’accélérateur. Mais on est aussi un marché professionnel. Et dans un marché, il faut un projet à défendre et quelqu’un pour le défendre. C’est pour ça qu’on demande aux artistes programmés d’avoir un entourage professionnel : manager, label, tourneur… Un·e artiste peut être excellent·e, mais s’il n’y a personne pour le ou la représenter, c’est un coup d’épée dans l’eau.

On reçoit parfois des projets très bons, mais sans structure autour. Dans ces cas-là, on invite l’artiste à revenir l’année suivante, mieux entouré·e. Sinon, ce serait faire miroiter un faux espoir. Il faut un minimum d’organisation pour que ça fonctionne.Ce n’est pas à l’artiste de gérer les aspects business. Les pros qu’on a en face sont là pour repérer, discuter, signer. C’est pour ça que le MaMA, avec ses 150 à 160 créneaux, sélectionne des artistes déjà structurés. Sur 2 500 à 3 000 candidatures, seuls les projets professionnalisés peuvent être retenus. Être indépendant ne veut pas dire être seul. On peut garder son indépendance tout en ayant un label ou un manager. Ce qui compte, c’est d’avoir une vision claire. Plus elle est affirmée, plus on attire des partenaires qui respectent cette autonomie. Et puis il y a aussi des artistes indépendants qui viennent en tant que public, pour réseauter, rencontrer des pros, et faire avancer leur projet. Mais une scène réservée à des artistes sans entourage, ça irait à l’encontre de notre logique de professionnalisation.

AAS : Mais il existe aussi des artistes qui n’ont plus confiance dans le système, mais qui ont confiance dans leur projet. Et en même temps, ils sont bloqués pour avancer. Ils cherchent à inventer d’autres façons d’être visibles, d’autres formes de connexion avec leur public. Ce sont ces questions-là, aujourd’hui, qui se posent.

FERNANDO : C’est vrai. Aujourd’hui, les réseaux sociaux jouent un rôle énorme. Beaucoup d’artistes se font repérer via TikTok, Instagram… Les pros tombent sur un projet, voient qu’il y a 500 000 likes, et se disent : “Tiens, ça vaut peut-être le coup”, alors ils vont voir. Ça a changé la donne. Il faut faire des choix : soit on croit au système, et on cherche à s’entourer (producteur, agent, tourneur…) ; soit on choisit une voie totalement indépendante, et là, il faut être très présent en ligne. Si ça fonctionne, les pros viendront d’eux-mêmes. Et là, l’artiste est en position de force. Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, c’est plus compliqué. Il y a 20 ans, les réseaux sociaux n’existaient pas. C’était très dur d’avoir de la visibilité. Aujourd’hui, tout le monde peut en avoir… mais il y a aussi beaucoup plus de concurrence. Avant, il y avait 1 000 artistes qui cherchaient à percer. Maintenant, il y en a 10 millions. Le public, lui, n’a pas grandi. Il faut donc réussir à se démarquer.

Être indépendant, c’est possible. Mais ça demande de proposer quelque chose de vraiment original, de ne pas faire ce que tout le monde fait. C’est le meilleur moyen d’attirer l’attention.Et puis il y a aussi la question des moyens. Même si produire de la musique coûte moins cher qu’avant, il faut quand même un minimum. Aujourd’hui, on peut enregistrer chez soi, avec des outils accessibles. Ce n’est plus le plus gros frein. Le vrai enjeu, c’est la diffusion : savoir où, comment et à qui faire entendre sa musique. Et surtout, réussir à construire une audience. C’est là que réside la vraie difficulté.

AAS : Côté concerts, vous avez un quota de places en vente pour le public, mais les conventions restent réservées aux pros. Est-ce qu’à un moment, vous avez envisagé d’intégrer davantage la voix du public ? Ou au moins de mesurer comment vos réflexions résonnent pour celles et ceux qui vivent la musique en premier lieu ?

FERNANDO : C’est une vraie question. Mais il y a une contrainte simple : on a 7 000 pros accrédités, pour une capacité d’environ 1 500 personnes sur la convention. Rien que pour les pros, c’est déjà tendu. Cela dit, on reçoit chaque année de nombreuses demandes d’écoles et d’étudiants en musique ou en culture. Pour eux, c’est une occasion d’entrer en contact direct avec la réalité du terrain : ils croisent des pros, découvrent les coulisses,commencent à se construire un réseau. On en accueille une cinquantaine chaque année, ce qui reste cohérent avec nos capacités. On a même créé un pass étudiant à tarif réduit, parce qu’on estime que ce public-là est précieux : ce sont les pros de demain.

Pour les concerts du soir, le public est bien présent. Et c’est important : un concert devant uniquement des pros, ce n’est pas la même énergie. Les pros parlent, vont au bar, analysent pendant que l’artiste joue. Alors qu’avec du public, l’ambiance change : c’est une vraie écoute, une vraie émotion. Pour l’artiste, ça change tout. Mais on ne peut pas ouvrir davantage, sinon on perdrait une des grandes forces du MaMA : la facilité de rencontre. Tu sors d’un concert, tu longes le boulevard, tu croises tout le monde… C’est fluide, humain, naturel. Si demain on passe de 7 000 à 15 000 personnes, cette dimension-là disparaît. On mène chaque année des enquêtes pros pour comprendre ce qui fait le succès du MaMA. Ce qui ressort : l’ampleur du marché français (complexe à appréhender pour les internationaux), la proximité des lieux (tout est accessible à pied) et le côté humain, convivial, lié à la taille maîtrisée de l’événement.

Concernant les concerts, on vend entre 1 500 et 2 000 billets grand public, en plus des pros. Là aussi, il faut trouver le bon équilibre. Les salles sont petites : si tout le monde veut aller aux Trois Baudets en même temps, c’est l’embouteillage. On préfère limiter pour garantir une expérience agréable. On propose par exemple un pass 1 jour très accessible — un peu plus de 20 euros — qui donne accès à 50 ou 60 concerts. Mais si, avec ce pass, tu ne peux entrer nulle part parce que c’est plein partout, le pas cher devient frustrant. Alors on préfère vendre un peu moins de billets, mais que ceux qui viennent puissent vraiment profiter : voir des concerts, faire des découvertes, nouer des contacts.Notre objectif, c’est que chacun reparte en se disant : “C’était bien, j’ai vu ce que je voulais voir.”

AAS : Il y a beaucoup d’artistes programmés cette année. Mais si tu devais en citer trois, là, à chaud, qui te viennent ?

FERNANDO : Franchement, c’est difficile. Je pourrais en citer 30. Et certains, on ne les a même pas encore vus sur scène. Il y a Gildaa, dont on parle beaucoup, Miel de Montagne, Liv del Estal, aussi très attendus.Mais ce qui fait la magie du MaMA, c’est la découverte. Tu viens pour trois noms, tu tombes sur un concert par hasard, et tu prends une claque. L’émotion est là, dans l’inattendu. Je peux te parler aussi de Julia Costa, une artiste brésilienne que j’ai vue à São Paulo, un peu la Beyoncé brésilienne. Elle jouera à la Machine cette année. C’est une tuerie. Ou encore Puta da Silva, chanteuse trans portugaise, avec une rage, une énergie incroyables. Elle est totalement inconnue ici, et ça va être une vraie révélation. Donc oui, il y a des coups de cœur. Mais en réalité… j’en ai 150.

AAS :  Et pour conclure : cette 16ᵉ édition ouvre-t-elle des perspectives ? Peut-on imaginer un jour un MaMA à l’international ?

FERNANDO : C’est une question qu’on se pose chaque année. On refuse de répéter la même formule. Si on ne bouge pas, on régresse. Chaque année, on ajoute quelque chose : cette fois, un nouvel espace dédié aux bookers, de nouvelles salles comme le Théâtre de l’Atelier, le 360, l’Hôtel des Alès… On développe des formats comme le CozyLab ou l’Avant-Garde. Et sur le plan international, on est déjà très actifs : Canada, Grande-Bretagne, Ukraine, Afrique, Brésil, Danemark… On a même lancé une fédération européenne des conventions musicales. Et oui, on réfléchit sérieusement à organiser un MaMA à l’étranger, d’ici un an ou deux. On avance là-dessus.

AAS : Donc un MaMA à l’international… sans remettre en cause le MaMA parisien ?

FERNANDO : Exactement. Le MaMA à Paris reste le cœur, mais on veut continuer à se développer.

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