DRAGA

DRAGA OU LE SOUFFLE D’UN MONDE NOUVEAU

Elles disent… qu’elles s’appellent DRAGA. Elles disent qu’elles sont cinq, pour nous offrir un concert puissant, contre le patriarcat et toute forme d’oppression. C’était dimanche 9 novembre à Bonjour Minuit, à Saint-Brieuc, et c’était exceptionnel!

Le weekend touche à sa fin, c’est l’automne et la nuit avale rapidement le jour… Le dimanche soir est prié de livrer son cocon rassurant, surtout à une époque où tout est à portée de clic, où sortir pourrait bientôt devenir un acte militant. Heureusement DRAGA est là pour nous rappeler que la révolution est en marche.

Cinq artistes majestueuses, entières, vivantes se dressent sur la scène de Bonjour Minuit et nous appellent à nous réveiller. Aucune exhortation dans cet appel, aucune injonction, juste un constat, qu’elles déclament en musique. L’histoire de l’oppressant patriarcat qui a modelé notre monde et notre vision du monde. Ce constat, détaillé dans une écriture saisissante et poignante, a été établi il y a plus de 50 ans par la romancière féministe Monique Wittig dans Les Guérillères. Un texte étendard que les 5 artistes à l’énergie complémentaire ont réussi à transformer en un chant brut, mélodieux et diablement bien rythmé.

« Malgré tous les maux dont ils veulent m’accabler, je reste aussi ferme que le fourneau à trois pieds »

©LynnSK

On doit cette performance unique et intense à Lucie Antunes à la batterie, Anna Mougladis au chant (parlé), P.R2B à la guitare et au chant, Theodora Delilez à la basse et Narumi Herisson au clavier. Toutes les cinq font résonner avec une telle acuité le texte de la féministe radicale Monique Wittig (1935-2003) qu’on se sent rassurée de le partager avec un public au taquet, conscient de vivre un grand moment. Une communion naturelle – qui semble répondre à une urgence tant elle est forte – opère grâce à la puissance des mots de la romancière mais aussi et surtout grâce à l’énorme travail des artistes, totalement investies dans le projet.

« Je refuse de prononcer les mots de possession et de non-possession. Elles disent, si je m’approprie le monde, que ce soit pour m’en déposséder aussitôt, que ce soit pour créer des rapports nouveaux entre moi et le monde.


©LynnSK

Lucie Antunes a composé la musique avec P.R2B sur une sélection très fine et soignée de passages du roman, privilégiant ceux commençant par « elles disent » et les ordonnant de manière à faire aussi ressortir le côté organique du propos, à commencer par la description anatomique du clitoris si longtemps caché. Ce délicat défrichage prend alors tout son sens sur scène (et sur l’album), où les 5 artistes conjuguent leurs talents : le texte est lu par la comédienne Anna Mougladis et sa voix grave si singulière (qui peut aller jusqu’au feulement), et est porté par l’univers musical des quatre autres artistes. Unies comme les doigts de la main dans cette performance envoûtante et puissante, elles disent et célèbrent ce « monde nouveau qui
commence », et parviennent à mêler « énergie poétique » avec « joie politique ».

« Elles disent que c’est un monde nouveau qui commence. »

« Ô Guérillères » sorti le 30/05/2025 chez CRYBABY

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