Interview
du mois

ALEXI SHELL

Alexi Shell fait assurément partie de nos coups de cœur du moment. Nous avons découvert son projet à la fois mystérieux et captivant lors des Inouïs du Printemps de Bourges en avril 2023, puis au festival Bars en Trans à Rennes en décembre. Sur scène, Alexi Shell livre une performance riche en émotions. Nous avons eu le plaisir d’échanger avec cette artiste unique, inclassable et avant-gardiste à l’occasion de son passage à Auray, le 27 avril dernier aux Nuits Soniques. 

AAS : Hello Alexi, peux-tu te présenter?

ALEXI SHELL : Je m’appelle Alexi Shell. Je suis DJ et productrice de musique électronique en tout genre (techno, ambiante, pop). J’ai un parcours un peu atypique dans la musique. J’ai fait 5 ans d’école d’arts et j’ai vraiment commencé à faire de la musique pour des performances d’art contemporain. Petit à petit cela m’a guidée vers mon projet 100% musique.

AAS : Ton premier album s’appelle Sirens, il est accompagné d’un conte illustré sous forme de fanzine. Peux-tu nous en parler ?

ALEXI SHELL : J’ai construit cet album à la manière d’un voyage initiatique, comme une sorte de guérison pour les personnes queers. J’étais à ce moment-là inspirée par tous les livres que j’ai pu lire autour des sirènes. J’ai conçu l’album comme un conte, révolutionnaire et féministe. Je me suis faite aider par mon ami Coco Spina ( journaliste et fondateurice du média Manifesto XXI) qui a co-écrit ce conte avec moi. L’idée c’était de raconter en musique un voyage un peu utopique vers une île aux sirènes, remplie d’amour et où les personnes queer fêteraient ensemble certaines libertés, dont celle d’aimer, tout simplement. Cette île est surveillée et hautement gardée par les sirènes. Celles-ci ramènent toutes les personnes queers échouées sur le rivage, vers l’île. J’invite tout le monde à lire l’histoire sur ma page bandcamp pour bien comprendre le conte et son univers. L’album a donc été écrit dans cette ambiance- là, avec des moments très durs, des moments de tristesse et de douleurs, mais aussi avec beaucoup de moments de joies et d’émotions. Et tout ça se passe sur l’eau et sous l’eau.

AAS : Justement, d’où te vient ce rapport très fort avec l’eau ?

 ALEXI SHELL : Je ne sais pas, peut-être de mon signe astrologique ? Je suis Poisson (rires). Depuis petite, je suis attirée par les points d’eau. Je me suis rendu compte que l’océan et la mer étaient des lieux qui me faisaient tellement de bien que lorsque j’en étais loin, je me sentais très mal assez vite et en manque d’oxygène. A terme, je sais que ma vie sera au bord de l’eau. C’est un élément qui me guérit, qui m’apaise. Dans un monde imaginaire, j’aimerais vivre sous l’eau. Je rêve souvent que je respire sous l’eau.

AAS : Tes nombreux voyages ont inspiré ton projet, et notamment la Grèce avec Athènes. Tu nous en dis un peu plus ?

ALEXI SHELL : Athènes est un endroit qui m’a beaucoup marquée, d’abord par sa scène culturelle et la manière dont les personnes étaient ouvertes sur tous les projets. J’y suis allée pour la première fois il y a 5 ans en stage avec une artiste. J’ai pu expérimenter la musique sans le besoin d’avoir les clés d’une scène ancrée dans la ville comme à Paris, et sans le besoin d’institutions qui me supportent. C’était très facile de pouvoir jouer là-bas n’importe où. C’était très ouvert et je trouvais qu’il n’y avait pas ce jugement comme dans les autres villes. C’est à Athènes que j’ai fait mes premiers pas dans le live et dans la musique électronique. Aussi, il y a une énergie mystique très forte dans cette ville et dans ce pays en général, qui m’inspire et me ressource énormément. J’y vais quasiment tous les ans depuis 5 ans !

AAS : On ressent dans ta personnalité et dans ton projet ce besoin de liberté, un peu comme la sirène. Une liberté de créer, une envie de sortir des chemins tout tracés. Je te parle de ça, car j’ai lu dans ta bio que tu avais commencé le piano assez jeune, mais que c’est un enseignement qui t’a déplu, à cause de l’apprentissage. Pourquoi ?

ALEXI SHELL : Oui ça remonte à mon enfance. J’ai voulu prendre des cours de piano. J’adorais ça et j’ai fini par aller au conservatoire régional de la Ville de Pau. J’ai découvert un apprentissage de la musique tellement scolaire que j’ai détesté ça. J’adorais pourtant la musique classique instrumentale, orchestrale. Mais pour moi faire une heure et demi de solfège et une demi-heure de piano en sortant du collège, ce n’était pas possible. C’était trop dur. J’étais déjà une mauvaise élève au collège et je n’avais pas envie d’être une bonne élève ailleurs. J’avais juste envie d’apprendre un instrument pour avoir la liberté de m’amuser avec. Comme je n’ai pas trouvé cette liberté, j’ai donc arrêté le piano pendant longtemps. C’est avec la musique électronique, qui nécessite d’avoir des claviers, des synthés sur lesquels je m’amuse, que j’ai pu retrouver une liberté dans la musique. Ensuite, la figure de la sirène, c’est aussi un moyen de sortir un peu des sentiers battus et de ce que l’on connaît. Je suis assez lassée de pas mal de choses que l’on retrouve dans la musique. Moi, j’ai surtout envie d’aller ailleurs, et que la musique raconte des histoires, qu’elle transmette vraiment de réelles émotions.

AAS : Dans une interview au webzine Beyeah tu dis « Si je meurs, je me transformerai en sirène ».

ALEXI SHELL : Oui effectivement, c’est une phrase que je dis dans l’un des morceaux de mon premier EP. L’idée c’est de se dire que tout le reste de la vie, c’est dans l’eau, en dehors d’une agitation et d’une pression sociale extérieure. C’est un peu comme mourir et partir dans un monde de rêve. C’est imaginer la mort comme quelque chose de plus beau, et plus doux. C’est un moyen de me rassurer. Je commence à aller mieux avec l’idée de mourir, car il y a une époque, ça m’angoissait énormément.  

©Zoé Chauvet

AAS : Tu as fait partie de la sélection des Inouïs du Printemps de Bourges l’an passé. Qu’est-ce que ça t’a apporté ?

ALEXI SHELL : Personnellement, cela m’a permis de savoir que mon projet valait quelque chose auprès de l’industrie musicale. Professionnellement, je pense que l’industrie musicale a commencé à me prendre au sérieux et a pu se dire que ce genre de projet pouvait marcher, intéresser. Je sens qu’il y a une excitation auprès des labels qui je l’espère finira par porter ses fruits.

AAS : Tes projets à venir ?

ALEXI SHELL : Je prépare la sortie d’une version acoustique du morceau “Us”, qui était dans l’album Sirens, avec le guitariste Pierre Antoine-Piezanowski. Une version très ambiante qui sortira prochainement. Par ailleurs, je suis en train d’écrire un nouvel album accompagné d’un nouveau conte, que j’aimerai sortir courant 2025. Cette fois, il sera assez inspiré de mon voyage à Los Angeles où je suis partie il y a deux ans. Cette ville, que je trouve hantée, m’a pas mal bouleversée, et les paysages me reviennent constamment en tête ! J’y ai entendu les sirènes…

AAS : Un ou deux artistes à suivre ?

ALEXI SHELL : GATSPAR avec qui je coproduis certains morceaux de mon prochain album, qui je pense à un bel avenir musical devant lui ! Et INES CHERIFI, elle fait des choses magnifiques avec un violon électronique.

Merci à Lili, @sarah @stephanie / Team Artisteasuivre

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