Interview
du mois

NEO NUBIS

Originaire du Finistère, Neo Nubis est un artiste indépendant de 25 ans soutenu par le label MoinsCplus. Sa musique nous plonge dans une matrice désenchantée où résonnent ses peines, ses rêves et ses monstres intérieurs. Rencontre avec le nouveau chevalier de la pop du futur qui compte bien bousculer la nouvelle scène musicale actuelle. A suivre de près !

AAS : Bonjour, c’est ta première interview pour la rédaction, peux-tu te présenter ?

NÉO NUBIS : Bonjour, je m’appelle Néo Nubis. Néo comme le personnage de Matrix, Nubis comme référence à Anubis, dieu égyptien et figure mythologique se baladant entre le monde des vivants et le monde des morts. Donc deux personnages qui sont entre deux réalités. J’aime dire que je suis, moi aussi, dans l’entre-deux mondes : d’un côté il y a ma réalité quotidienne et tangible et de l’autre mes fantasmes, délires, rêves et cauchemars qui me permettent d’être l’artiste que je suis et qui nourrissent ma musique. 

AAS : Pourquoi as-tu quitté la Bretagne pour Paris ?

NÉO NUBIS : Humainement déjà, ça a été pour moi une manière d’anonymiser qui je suis. Je viens d’un tout petit village où tout le monde se connaît. Ça n’a pas toujours été facile, on m’a souvent reproché ma différence. J’avais besoin d’une rupture franche, de ce vertige, afin de devenir personne et de pouvoir tout réécrire, réinventer et reconstruire. C’était un peu une manière de renaître et de décider par moi-même qui j’avais envie d’être en tant qu’individu. Évidemment en tant qu’artiste, Paris m’a aussi attiré pour ses possibilités beaucoup plus larges. C’est peut-être un mythe mais j’y ai cru. J’y ai aussi fait mes études, mais toujours dans l’optique d’un jour créer, inventer et être un artiste. J’aime bien dire que j’ai quitté le calme de la Bretagne et le bruit des vagues pour d’autres bruits, ceux de la ville et de l’agitation qui me stimulent. Ici, je fais plein de rencontres et en même temps, il existe ce paradoxe de pouvoir croiser mille personnes dans la journée et d’être absolument invisible. Je retourne souvent en Bretagne, j’aime éperdument cette région, elle ne me quitte jamais vraiment et mes proches y vivent encore.

AAS : Le noir et le blanc sont omniprésents dans ton projet mais aussi dans ta façon de communiquer sur les réseaux, d’où vient ce choix ?

NEO NUBIS : C’est un choix à la fois esthétique et symbolique, presque métaphysique. Esthétiquement, c’est parce que j’aime le noir et blanc et ce contraste ombre/lumière qui vient annihiler toutes les nuances de couleurs habituelles. J’aime beaucoup les films en noir et blanc, mes deux préférés étant Elephant Man de David Lynch et Les yeux sans visage de Georges Franju, j’aime aussi les photographies d’artistes travaillant le noir et blanc, comme Lindbergh, Mapplethorpe, Roversi. Métaphysiquement le noir et blanc est une manière de manifester une rupture franche entre le monde réel et le monde imaginaire. Cet espace, c’est le mien, je l’ai créé et façonné de toutes pièces. Il n’existe que dans mon esprit. Le noir et blanc est une manière d’inviter le public dans cet univers périphérique qui m’appartiens. 

AAS : Comment naissent tes morceaux ?

NEO NUBIS : Ça part très souvent de l’image et du texte. J’aime beaucoup arriver en studio avec des formules, des combinaisons de mots, qui vont créer en moi des images. Pour mon premier titre, Des Monstres, j’avais envie de ce côté gothique et lugubre. Je suis alors arrivé avec cette image des monstres de cinéma et de contes que j’aime. J’avais envie de rapporter ça à mes sentiments, à l’adversité du monde. Je travaille avec Hadrien et Gabriel Mabilat du groupe MAB. Avec Gabriel, nous écrivons à partir de mes idées et nous déroulons le fil jusqu’à arriver à ce que j’ai envie d’exprimer. Parfois, ça peut aussi naître de sensations, de couleurs ou même d’une mélodie. C’était le cas pour mon deuxième titre, Sans doute. L’idée et le texte me sont venus comme une montée de fièvre alors que Hadrien Mabilat jouait quelques accords de guitare. On a eu le refrain en quelques secondes. Je n’ai donc pas trop de rituel quand il s’agit de la genèse d’une chanson, ça dépend de beaucoup de facteurs et souvent de mon état d’esprit du moment, des énergies environnantes.

AAS : Quels sont les monstres dont tu parles dans ton premier single Des Monstres ?

NEO NUBIS : Les monstres c’est moi ! C’est la manière dont je me suis perçu pendant longtemps et encore aujourd’hui : c’est à dire comme un monstre, quelqu’un de différent ou pas dans la norme. A travers le regard, les gestes et les propos des autres, je me sentais comme tel. La chanson parle de ça. En même temps, j’ai eu envie avec ce titre d’inverser les rôles et le rapport de force, comme une vengeance. Les monstres, c’est aussi les autres, ceux dans ma tête et qui ne me quittent pas et qui me blessent, les souvenirs désagréables, les mots blessants et une sorte de patchwork de mauvaises choses qui m’ont fait mal, enfant et adolescent. C’est un morceau qui célèbre ma différence et la différence en général en faisant un pied de nez aux autres.

©Mathhieu Camille Colin

AAS : Peux-tu nous parler de tes projets à venir ?

NEO NUBIS : Le projet actuel, c’est la sortie de Catastrophe Nucléaire vendredi 3 novembre, un titre qui compte beaucoup pour moi du fait de son sujet. J’y parle de l’expression de mes sentiments et de la difficulté à les manifester, à dire « je t’aime » et de le montrer à mes proches. C’est ma manière de le leur dire musicalement. C’est trop dangereux de taire ce qui gronde dans un cœur. C’est aussi une chanson qui parle du « je t’aime » à soi. C’est important de le faire et ça, j’en suis encore incapable même si je fais un pas en avant avec ce morceau. Ce titre a quelque chose de singulier, il est né à partir d’une image, celle d’une explosion, la mienne. C’est ce que je ressens quand il s’agit de dire je t’aime aux gens qui comptent. Sinon, en studio, je continue de composer et d’écrire de nouveaux titres avec Hadrien et Gabriel Mabilat. J’étais en résidence avec eux récemment. C’est complètement mystique de faire ça dans leur studio, situé à côté de l’énorme basilique du Sacré-Cœur. Je  serai également au Café de la danse le 4 novembre prochain pour leur première partie.

AAS : En quelques mots, trois bonnes raisons de te découvrir ?

NEO NUBIS : Si vous aimez la pop, j’en fais, mais une pop alternative, bizarre, étrange avec des inspirations new wave et hyperpop. Une pop rétro-futuriste en somme. Je crois dur comme fer qu’elle est habitée par qui je suis, je ne pense pas que l’on soit deux à faire de la musique comme moi. Sinon, je suis un artiste qui aime autant le visuel et l’image que le son et le texte. Il y a un package global avec moi, je m’implique autant dans les deux pour accueillir le public dans mon univers et le faire évoluer avec moi. Venez vous échapper dans mon irréel ! Finalement, je pense que tout en parlant de moi et de mon intimité, je parle de sujets qui sont universels. Je ne suis pas le seul à avoir des monstres, à ne pas pouvoir exprimer mes sentiments, à me poser des questions sur mon identité ou même à être sujet à l’anxiété. 

AAS : 1 ou 2 artistes à suivre ?

NEO NUBIS : Je vous conseille, à défaut de pouvoir vous l’imposer (rires !), d’écouter Chéri. J’aime énormément. C’est un artiste indépendant qui propose une pop tellement singulière et inventive, je l’écoute en boucle ! Autrement, j’ai très envie de citer Joanna, qui va sortir son nouvel album prochainement. D’ailleurs les deux ont un duo ensemble : torrents de larmes. Sinon, la boss de la pop c’est Kalika, c’est la championne, y’a zéro débat !

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