THÉA incarne un emo-core révolté, transformant les tourments d’une génération en une fête pop-punk et hyperpop, à la fois insolente et fédératrice. À travers des textes viscéraux et sensibles, elle explore le chaos vécu par une jeune fille queer face aux relations, à la santé mentale et aux oppressions systémiques. Rencontre au MaMa festival jeudi 17 octobre quelques heures avant le concert à la Machine Paris.
AAS : Peux-tu nous raconter ton parcours, comment tu as commencé dans la musique. Ton histoire, la vraie. Parce qu’on te suit depuis un moment, mais c’est notre première rencontre.
THÉA : Je m’appelle Théa, je viens de banlieue parisienne de chez mes darons, – mais qui sont très cool d’ailleurs – ! À l’école, ce n’était pas simple de ne pas vraiment appartenir au groupe, j’ai toujours été une « outsideuse. J’ai fait un bac L, mais après ça j’ai lâché. J’ai commencé à faire de la musique très tôt et posté des vidéos sur YouTube. Personne ne m’a spécialement repérée à l’époque, je faisais juste mes trucs comme beaucoup de gens sur internet. C’est un réflexe de notre génération, tu vois. J’ai 23 ans, et on a grandi en mettant très tôt nos créations en ligne. C’est vraiment en sortie de confinement que tout a pris une autre dimension. On a organisé notre premier concert dans un squat à Montreuil. Ça a tourné court, puisque la police nous a dégagés au bout de trois morceaux (rires). Mais c’est à ce moment-là que l’aventure a vraiment commencé.
AAS : Et tu signes ensuite avec un label ?
THÉA : Oh, pas tout de suite (rires). En 2021, on est en sortie de confinement et on veut juste faire du son. À ce moment-là, je suis engagée dans des univers militants. On se dit qu’il nous faut un lieu, de l’électricité, nos instruments et quelques lumières pour organiser un concert. C’est exactement ce qu’on a fait dans ce squat à Montreuil. On a ensuite enchaîné des concerts dans des squats, souvent pour soutenir des causes. Des associations LGBT nous contactaient pour jouer en soutien. Tout a démarré de manière très communautaire. Puis, on a commencé à faire des premières parties et des co-plateaux grâce à l’équipe Afterlife et à Thx4crying qui organisaient des soirées. C’est comme ça que j’ai joué mes premiers concerts à Paris.
AAS : Tu as participé aux Inouïs du Printemps de Bourges, et aujourd’hui tu fais complet à chaque concert. Ce soir, tu joues au MaMa, un moment important pour un artiste. Même si c’est un évènement qui réunit beaucoup de pros, comment as-tu préparé ce show ?
THÉA : Je l’ai préparé comme n’importe quelle autre date. J’espère qu’il y aura des fans dans la salle, et qu’on pourra créer une ambiance cool, même avec la présence des professionnels. Je suis surtout ravie de jouer à la Machine, c’est une première pour moi ici.
AAS : Si je te dis que ton style c’est un mélange de chansons d’amour un peu tristes, un peu dark, mais qui se partagent dans la joie, dans une ambiance qui tabasse qu’en penses-tu ?
THÉA : Franchement, c’est pas mal du tout ! J’aime bien. C’est toujours compliqué de mettre des mots sur sa musique. C’est vrai que mes morceaux sont assez sombres et tristes, parce qu’ils parlent d’adversité, à la fois personnelle et sociétale. Mais en même temps, j’essaie de transmettre une énergie qui se partage dans la joie, et la fête, comme tu dis. L’idée c’est de raconter le vécu de personnes queer d’une vingtaine d’années, mais avec une notion d’espoir. C’est quelque chose qu’on voit rarement dans les représentations qui nous concernent. Cet espoir est crucial : il permet d’affronter toutes les émotions qu’on traverse, mais aussi de les transformer en moments de fête, avec un gros son.
AAS : En 2024, est-ce que c’est toujours aussi difficile d’être un.e artiste queer ?
THÉA : Je pense qu’il y a une place pour les artistes queers aujourd’hui. La vraie question c’est de savoir si on peut supporter la vie d’artiste et l’exposition médiatique dans un contexte où il y a encore beaucoup d’homophobie et de transphobie, à la fois chez les gens mais aussi dans les lois. Il y a une vraie demande de représentation queer dans la musique, et ça a toujours existé. Freddie Mercury, David Bowie…Les artistes queer ont souvent été à l’avant-garde musicale. Le discours a évolué depuis ces années : à l’époque, il y avait une musique très revendicative et militante, mais aussi des artistes queer qui existaient tout simplement dans la musique. C’est encore le cas aujourd’hui. Exister, quand on est queer, c’est déjà une revendication en soi.
AAS : Dans une interview tu disais « ne pas être sûre de vouloir chanter que la douleur dans les prochaines chansons, mais d’aborder la réparation et la confiance en soi ». Est-ce que c’est quelque chose que tu explores déjà ?
THÉA : Je pense avoir déjà commencé. Quand j’ai dit ça, c’était avant la sortie de mon premier EP Paname Oestros Poubelle, en novembre dernier. J’ai déjà essayé d’apporter un peu de couleur dans ma musique et ça fait sens par rapport aux prochains morceaux que je vais sortir. J’ai envie de transmettre quelque chose aux personnes qui se reconnaissent dans mes paroles. Pas juste de la rage, du désespoir et de la résilience, mais aussi de l’espoir, de la couleur et l’envie de tout casser.
AAS : Côté scène, je sais que tu accordes une grande importance au live.
THÉA : Bien sûr, le live est super important pour moi, pour le projet. C’est une musique qui frappe et qui envoie, et c’est vraiment en live qu’on la ressent pleinement. Avec AdLib, qui m’accompagne sur scène, on adore ça. C’est là que la musique prend vie, entourée de la communauté. C’est créer un moment unique avec une musique qui à la base est née sur internet. Pour moi, c’est à la fois un enjeu énorme et une vraie fête, autant pour le public que pour nous.
THÉA : Et le quotidien de Théa, en dehors de la musique, c’est quoi ?
AAS : Je fais du skate, j’aime bien aller boire des verres avec mes ami.e.s et j’adore aller dans des clubs écouter de la musique techno très forte dans des hangars.
AAS : Le rose est présent un peu partout dans ton projet. Il y a une signification particulière ?
AAS : Oui, il y a beaucoup de noir, beaucoup de rose dans ce projet. Le noir pour ce qui est sombre, douloureux et difficile à porter. Le rose symbolise le droit d’exister, l’idée qu’on va s’en sortir. On a le droit de briller, de shine avec des cheveux roses dans la rue, sans se soucier du regard des autres, parce qu’on est des stars, tout simplement.
AAS : Tu te vois comment dans cinq ans ? Tu te projettes un peu ?
THÉA : Honnêtement, je ne m’étais pas imaginée atteindre 23 ans, alors 30… Je ne sais pas ! Mais à 30 ans, j’espère que ce sera des Zéniths (rires). L’idée c’est de ne jamais s’arrêter. Les choses ont été rapides ces derniers temps : beaucoup de gens ont découvert le projet et ma musique. On remplit des salles et c’est génial. On a déjà beaucoup de dates complètes en France, mais aussi en Suisse, en Belgique. Ça va vite, mais je pense qu’on est prêt.e.s. Et puis, on est bien entouré.e.s. J’ai vraiment hâte de rencontrer encore plus de monde.
AAS : Un ou deux artistes à suivre ?
THÉA : Sophie Stickly, c’est encore tout jeune, tout secret, mais on n’a pas ce style en France. Et Paul Vitesse, j’adore sa musique.
Merci à Max pour son soutien précieux / Team Artisteasuivre