Interview
du mois

SIMONY

Rencontre avec Simony, l’étoile montante du rap français dans les coulisses du MaMa Festival quelques heures avant son concert à la Machine du Moulin Rouge en octobre dernier..

AAS : Bonjour SIMONY, je suis très contente de te rencontrer, c’est la première fois. Pour les personnes qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?

SIMONY : Bonjour, enchanté artisteasuivre ! Je suis originaire de Corse et j’ai grandi dans le 19 ème arrondissement. A côté de mes études de management, j’ai fait quelques métiers autour de l’image et du visuel. J’ai également travaillé dans le monde du cinéma où j’ai pu faire quelques petites apparitions, mais aussi dans le mannequinat. J’écris maintenant depuis plus de 13 ans. Très vite, il m’est venu l’idée de mettre mes mots en musique. C’est tout ce background qui m’a permis de devenir petit à petit un artiste à texte, auteur et interprète.

AAS : Au cours de ton parcours, tu as effectué un voyage en Chine. Que t’as apporté cette culture asiatique ? J’ai l’impression que ton projet artistique a pris un autre tournant à ce moment là, qu’il y a eu un déclic, n’est-ce pas ?

SIMONY : Oui effectivement, le déclic s’est fait à mon retour d’Asie, quand j’ai «professionnalisé » l’art que je faisais depuis longtemps. Ce voyage en Asie m’a permis de me sortir du quotidien, de me découvrir dans un autre environnement. J’ai rencontré de nouvelles personnes : cela m’a aussi permis de m’affirmer en tant qu’adulte sans l’influence de mes parents et de mon groupe d’amis en France. Ce voyage m’a tout simplement apporté beaucoup de maturité et m’a guidé là où je devais aller. Quelques philosophies asiatiques m’ont beaucoup parlé. Notamment leur manière d’être assez résilient et d’accepter les coups durs de la vie. La notion d’unité m’a également marqué. Je partage ça un peu dans le rap qui a aussi ce côté fédérateur. Aujourd’hui, vu que nous sommes beaucoup dans un « art-business », j’essaie de défendre d’autres valeurs et de fédérer plutôt que de diviser.

AAS : Le projet que tu as créé au départ avec des amis est très vite devenu un projet collaboratif, notamment avec le développement de la marque NAGAYIN. On ressent cette volonté de fédérer, de transmettre. As-tu envie de partager d’autres valeurs avec le rap ?

SIMONY : Le rap a évolué. A l’origine, l’objectif du rap était de véhiculer des messages porteurs d’espoir pour des minorités et des personnes exclues de la société du fait de leur couleur de peau ou de leur statut social. L’essence même du rap, c’était d’élever une voix contre une certaine ségrégation. Cela a créé beaucoup de collectifs et d’équipes, mais surtout une économie parallèle pour certains qui pendant très longtemps n’avait pas été reconnue. Aujourd’hui, en se faisant de plus en plus connaître, le rap a perdu un petit peu ses convictions et ses valeurs initiales. C’est mon ressenti actuel. C’est surtout cette notion de groupe et de collectif que j’ai aimé dans le rap. Quand j’ai créé NAGAYIN, qui était à la base une marque de vêtements, je me suis joint à un projet qui n’était pas initié par moi. J’ai créé une plateforme collaborative pour que les artistes entre eux, quel que soit leur art, puissent se développer à la hauteur de leur ambition, même sans avoir les moyens financiers . J’ai permis à des artistes de se rencontrer, de faire des clips ensemble, de se faire connaître, et même parfois à des magiciens de jouer devant des amphithéâtres entiers. Tout cela, avec une volonté de bienveillance. Dans notre jeune âge, c’était difficile d’allier études et passion.

©Antony Gomes
©Antony Gomes

AAS : A travers ton projet et tes clips, on ressent cette envie de se surpasser avec en même temps une discipline et une maîtrise de soi. Il y a une certaine rage dans ton projet. Le sport est-il un atout ?

SIMONY : Il y a toujours eu du sport. J’ai pratiqué le rugby pendant plus de 13 ans. J’ai commencé à pratiquer le MMA grâce à un projet cinématographique qui m’a demandé une préparation physique. Je suis passionné de sport. Je vois d’ailleurs le rap comme un sport, surtout la scène. Je sors de trois jours de résidence et je suis aussi fatigué qu’en sortant d’un entraînement de MMA.

AAS : En quoi ton projet est-il différent de ce que l’on a l’habitude d’entendre ?

SIMONY : Je pense qu’il y a un côté authentique et unique. J’essaye d’être le plus sincère possible dans ce que je propose. Forcement je me différencie car je ne souhaite pas suivre une tendance. Donc parfois ça peut sortir par de la colère ou de l’énergie, car c’est tout ce que j’enfouis au quotidien. C’est un moyen de ne pas le faire subir aux  gens que j’aime ou à mon entourage professionnel. Je pense que c’est bien d’enfermer tout ça à travers un art, un sport ou mêler les deux pour être une meilleure personne au quotidien. En plus, si cela permet à des gens de se sentir compris ou de se libérer de leur rage comme moi, c’est génial et je m’en sortirai fier et gagnant.

AAS : Quelques mots sur la création de ton premier album ORIGINES : Euphoria ?

SIMONY : C’est assez fou ! Si on m’avait dit il y a cinq ans que je sortirai un album, je n’y aurais pas cru. En effet, c’était un moment de bascule qui a été long et dur. Le Covid est passé par là et plusieurs épreuves de la vie ont fait perdre du temps. Nous avons d’abord sorti quelques EP, le temps d’approfondir et de chercher l’essence que nous voulions donner à l’album. Je ne l’ai pas fait seul, j’ai beaucoup de monde autour de moi. Il y a mes compositeurs, les équipes label avec 3ème Bureau et Faubourg26. Le Studio Iconographia a travaillé l’image, la cover aux cotés de Melvin Ghandour responsable de la typographie générale et du design de la pochette. C’est un projet commun et tellement intime dans ce qu’il raconte que je n’aurais pas pu le faire tout seul.

©Antony Gomes

AAS : De quoi parle ton album ?

SIMONY : Pour moi, ORIGINES : Euphoria, c’est un peu un retour aux sources. Ça représente la moitié de ma vie, j’en ai 26 et j’écris depuis mes 13 ans. Cette musique c’est mon passage à l’âge adulte, le moment où j’ai commencé à prendre conscience du monde dans lequel on évolue. L’album retranscrit cette transition entre la fin de l’enfance, l’adolescence et le passage à la vie d’adulte. Avec les colères que ça peut représenter, que ce soit dans les relations amoureuses ou le combat contre cette société. C’est une société capitaliste s’impose à nous aujourd’hui mais on doit composer avec. On y voit les paradoxes que ça engendre dans nos propres comportements entre les conflits avec nos valeurs personnelles et la réalité financière qui dépend de ce que l’on doit accomplir pour pouvoir vivre sainement. C’est aussi un peu la rencontre entre mon intimité et un combat sociétal. Je parle de ces combats avec une certaine ligne directrice qui représente les étapes du deuil et des différentes émotions qui sont associées. Il y a le deuil de l’enfance, le deuil de la perte d’un proche, le deuil d’une relation et le deuil d’une période. J’ai voulu raconter toute cette construction qui me permettra demain d’être un homme meilleur.

AAS : L’image est aussi importante que l’écriture ou le son dans ton projet, tu nous expliques pourquoi ?

SIMONY : L’image est importante, elle permet de donner une seconde lecture à des mots. J’essaie de mettre beaucoup d’images et de métaphores dans mes textes. Parfois, il suffit juste d’un tableau, d’une expression faciale ou d’un décor pour en dire beaucoup plus. Je suis assez passionné par le cinéma et arriver à retranscrire une image cinématographique dans un projet de musique, c’est toujours un plus.

AAS : 1 ou 2 artisteasuivre?

SIMONY : J’apprécie beaucoup Maximus, c’est un artiste qui rappe depuis très longtemps et c’est un ami. C’est un énorme créatif et surtout une superbe personne. Je vous conseille d’aller écouter son projet. Sinon je citerai Leo SVR , un artiste qui vient de la même équipe de mon management et qui est très prometteur. Il est suivi de près par la nouvelle vague du rap français. Il arrive avec un projet qui sort du lot et avec une énergie qui reprend les codes de la trap de Détroit. C’est un personnage intéressant et provocateur qui se positionne beaucoup face à l’extrême droite.


Merci à Yann Gourvellec et Stéphanie Gouezel / Team Artisteasuivre


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