Révélée par le dispositif Rappeuses en Liberté, Saturnz s’impose comme une voix singulière du rap francophone. À 21 ans, elle cultive une plume introspective, sensible, puissante. Derrière ses textes, il y a une jeune femme qui rappe comme on respire, pour ne pas sombrer. Une rappeuse à mocassins, comme elle se définit elle-même, qui brouille les codes et revendique une autre image du rap : plus libre, plus nuancée, plus vraie.
Entretien avec une artiste en pleine affirmation, qui fait du rap une manière de survivre autant que de briller.
AAS : Pour commencer, qui est Saturnz ? Comment tu te définirais, en dehors des étiquettes musicales ?
SATURNZ : Saturnz, c’est une jeune rappeuse de 21 ans qui utilise la musique pour se libérer de ses douleurs. Pour moi, écrire, c’est vital. C’est un exutoire, un médicament. Je me définis comme une “rappeuse à mocassins”, un clin d’œil à l’image qu’on se fait souvent du rap : quelque chose de dur, misogyne, violent, très “ghetto”. Moi, je suis une meuf noire qui fait du rap, mais ça ne veut pas dire que je dois rentrer dans ce cliché-là. Ce que je veux, c’est rester authentique. Je porte des mocassins parce que je les kiffe, mais aussi parce que ça intrigue. Quand je monte sur scène en cravate, avec mes mocassins, je veux qu’on se demande : “Qu’est-ce qu’elle va faire, elle ?” C’est ma façon de dire que le rap peut avoir plein de visages, pas juste celui qu’on attend
AAS : Ton dernier titre,’Je Danse’, mélange prod immersive et introspection profonde. Il raconte ce paradoxe d’être entourée et pourtant seule. Qu’est-ce qui t’a poussée a écrire ce morceau, et que représente cette ‘danse’ pour toi ?
SATURNZ : On me voit souvent comme quelqu’un de solaire, drôle, souriante — et c’est vrai. Les gens voient une lumière en moi que, parfois, moi-même je ne vois pas. Avec “Je Danse”, je voulais dire : oui, je suis cette lumière, mais je ne suis pas que ça. Il y a des douleurs, des moments sombres que je vis aussi. C’est un appel à ne pas aimer les gens juste pour ce qu’ils montrent de lumineux, mais pour tout ce qu’ils sont. “Je veux bien être votre soleil, mais prenez aussi mes nuages.” La danse, dans ce morceau, c’est une manière de continuer à avancer malgré tout. Même quand ça va mal, je danse, je souris, je me bats. C’est une danse avec mes anges, mais aussi avec mes démons. Ça parle de ces soirs où tu rumines, où tu touches à la tristesse — mais tu choisis de rester debout. Et c’est tout le sens de mon blaze aussi. Saturne est une planète entourée d’anneaux. Moi, je me sentais très entourée quand j’ai commencé la musique, et ça m’a portée. Cette planète représente aussi la résilience, le courage, le travail, la persistance… et ça me parle. J’ai ajouté le “z” à la fin, c’est une des lettres de mon nom de famille.


AAS : Tu as été mise en lumière grâce au dispositif Rappeuses en Liberté. Qu’est-ce que cette expérience a changé dans ta manière de créer, et dans la façon dont tu envisages ton parcours aujourd’hui ?
SATURNZ : Rappeuses en Liberté, a changé beaucoup de choses. J’étais au tout début de mon parcours. J’écrivais déjà, mais je ne connaissais rien à l’aspect pro : les contrats, les fiches techniques, le press kit… tout ça m’était étranger. Grâce à ce dispositif, j’ai appris à structurer mon projet, à monter un vrai set scénique, à mieux comprendre où je voulais aller. Et surtout, j’ai été bien entourée. Ça m’a permis de poser des bases solides.
AAS : Entre le judo et la scène, on sent chez toi une vraie énergie de combat et de dépassement. Qu’est-ce que le sport t’apporte dans ta manière de vivre la musique ?
SATURNZ : Le judo m’aide dans la musique, mais aussi dans la vie. Sur le tatami, tu tombes, tu prends des coups, mais tu te relèves. Et j’ai appris que ça devait être pareil dans tous les domaines, y compris dans la musique. Ce milieu n’est pas toujours facile, surtout quand t’es une femme. Mais le judo m’a appris à me battre, à rester droite. Et je me dis que, petit à petit, on tombera de moins en moins. Parce qu’à force de se relever, on finit par tenir debout.
SATURNZ : Tu avances avec une identité musicale forte, entre rap introspectif et émotions a vif. Comment tu vis les retours que tu reçois en ce moment ? Et toi, quelles sont tes envies pour la suite ?
SATURNZ : Je suis étonnée — mais pas vraiment surprise — par les retours que je reçois. On a beaucoup travaillé pour cette sortie, alors ça fait du bien de voir que ça porte ses fruits. J’ai commencé avec à peine 200 auditeurs, et là, en une semaine, je suis passée à 1000. Je ne m’y attendais pas, mais ça me donne une vraie force pour continuer, pour construire la suite avec ambition.