JOKO, c’est le bébé d’Iris Di Napoli. Deux ans après son premier EP Loon, JOKO est de retour avec I’ve never been good with words, un projet de 5 titres.
AAS : Si tu devais présenter JOKO, que dirais-tu ?
JOKO : Eh bien je dirais que JOKO c’est de la musique très personnelle en anglais avec pas mal de synthés et de musiques électroniques, mélangée à des instruments acoustiques.
AAS : Le choix d’écrire des textes en anglais est-il lié au fait que tu aies une licence d’anglais ?
JOKO : Pas vraiment, depuis que je suis enfant, j’avais envie de devenir chanteuse même si j’ai mis beaucoup de temps à me lancer et puis l’anglais a toujours été une langue qui me faisait rêver. J’ai aussi pas mal bouffé de films et séries américaines enfant, écouté des chanteur·se·s anglophones etc.
J’ai également une partie de ma famille qui est anglaise et américaine. C’est une langue que j’ai pas mal entendue étant petite. L’un de mes rêves était de pouvoir parler anglais avec un bon accent, c’était la langue des possibles.
AAS : Côté musique, tu as été dans le bain assez tôt car tes parents étaient chanteurs d’opéra. Tu les accompagnais souvent dans les coulisses lors des concerts.
Tu arrives quand même assez tard dans la musique, à quel moment tu te dis “je me lance” ?
JOKO : À tous les moments où je devais choisir des études. À chaque fois je me disais « est-ce que je ne ferais pas une école de musique ? » ou peu importe, mais quelque chose qui inclut la musique dans le cursus. Et à chaque fois je me débinais, ça me faisait trop peur. Finalement, c’est en rencontrant Arthur Vonfelt, pendant mes études de sage-femme, qu’il y a eu un déclic. Il avait un parcours opposé au mien, il faisait de la musique depuis son enfance, il était très à l’aise, pas du tout stressé et jouait avec plein de personnes.
Après un certain temps de discussions, j’ai fini par oser chanter devant lui et on a composé notre première chanson. Ça m’a rassuré de voir qu’il y avait des gens qui aimaient notre chanson et je me suis dit : « si tu ne le fais pas maintenant, tu vas te réveiller dans 20, 30 ans et tu regretteras de ne pas avoir tenté. »
J’ai eu besoin de beaucoup d’encouragements pour me lancer, car j’étais hyper timide et hyper bloquée par rapport à ça.
AAS : Tu as dit que ta timidité t’empêchait de faire ressortir ce que tu avais dans le fond des tripes. Arthur trouve à un moment donné des morceaux que tu as écrits, et c’est cette base qui est extraite. Vous allez travailler dessus… c’est bien ça ?
JOKO : Oui, je lui en parle un peu. Je lui dis que j’aimerais bien faire de la musique, mais je n’en parlais pas plus que ça. Sur mon ordinateur, j’avais enregistré sur GarageBand des chansons, des idées. Cela faisait quelques années que j’écrivais des textes sur mes cahiers pendant les cours. Je ne sais plus si je lui ai dit que j’avais tout cela dans mon ordinateur, mais au final Arthur a fini par fouiller dans mon ordi et il a trouvé. Il s’est servi de ça pour me dire, on y va, on essaie. Il a été méga patient car j’étais réfractaire à l’idée d’enregistrer ou de me lancer. J’avais tellement peur d’être ultra nulle et que ça casse tous mes rêves que je préférais vivre dans mon imaginaire que de me confronter à la réalité.
AAS : Il y a un premier EP en 2018, Loon, puis arrive le confinement, tu enregistres une chanson que tu envoies à Dan Levy (moitié de The Dø) ainsi qu’au label Pain Surprises. Les deux te répondent, explique-nous.
JOKO : Je crois que Dan Levy est très curieux et intéressé par les artistes émergents. Par ailleurs, à ce moment, c’était un temps de pause pour lui. Je lui ai envoyé un message sur la page de The Dø de Facebook et idem pour Pain Surprises. Je n’avais aucun contact pro ou perso et les deux m’ont répondu. La chanson que je leur ai envoyée n’est jamais sortie, mais c’était la toute première chanson que j’ai enregistrée et que j’ai écrite. Elle s’appelle Run. Je me suis dit que c’était un signe, si la musique que je faisais pouvait intéresser des gens qui font ça professionnellement. C’est ce qui a motivé mon départ à Paris.
Par la suite, je suis allée rencontrer Pain Surprises à Paris et c’est chez eux que l’on a enregistré la moitié de Fools, la première chanson du 1er EP Loon. Pour Dan Levy, j’ai été en contact avec lui pendant un certain temps mais nous n’avons pas travaillé ensemble. Ce sont des rencontres qui ont été significatives, cela a créé un déclic.
AAS : Comment composes-tu ? Généralement pour un EP on part sur 5 voire 7 titres, mais on laisse souvent plusieurs morceaux de côté. Comment les choisis-tu ?
JOKO : La rencontre avec Dan Levy a été un élément déclencheur car il m’a justement dit que je n’avais pas assez de démos et qu’il fallait faire une démo par jour. On l’a pris au mot avec Arthur, on a fait une démo par jour pendant un mois et on s’est retrouvé avec 40 chansons environ.
J’ai fait le premier et second EP avec Arthur, et là je travaille avec d’autres prods, notamment avec Pierre Cheguillaume et Simon Quénéa qui font partie d’Inuït, Lucas Eschenbrenner, un super compositeur, et c’est vrai que j’ai gardé ce truc d’une chanson par jour. Quand je vais en studio avec eux, j’aime bien ressortir avec une démo un peu avancée. Ça m’a un peu appris à composer comme ça et des démos j’en ai 60, 70.
AAS : Au niveau création, tu travailles en famille avec ton frère qui a composé certains clips. Tu écris, tu composes, et pour le dernier clip The Knight tu es derrière les manettes, comment ça se passe ?
JOKO : Les précédents clips ont été faits avec mon frère. J’étais déjà pas mal investie dans l’écriture de ces clips et très honnêtement c’était aussi pour des questions de finances. Mais ça m’amuse aussi beaucoup de faire les clips.
Avec cette période de COVID, je pense qu’il y a eu aussi une baisse de motivation un peu générale et c’est une année où je me suis sentie pas mal seule, où j’ai eu l’impression d’avoir géré mon projet pas mal en solo. On n’arrêtait pas de repousser la sortie de l’EP avec mon équipe et je me suis dit c’est trop bête, j’ai le clip de 1000 mais j’aimerais bien faire un clip sur The Knight car c’est ma chanson préférée.
Mais mon frère habite à Marseille maintenant et je n’avais pas le budget pour faire un gros clip. De toute façon, cette année j’avais déjà fait beaucoup de choses un peu toute seule, alors autant se lancer dans cette histoire de clip. J’avais aussi cette idée d’armure qui me plaisait bien et à ce moment-là, il y a un peu tout qui s’est aligné. C’était le moment d’y aller et d’essayer de faire ce clip toute seule. C’était super intéressant et hyper galère mais en même temps ça m’a aussi motivé à en faire d’autres.
AAS : L’idée de revenir avec une armure, c’est volontaire chez toi, il y a un côté carapace ? Tu l’interprètes comment ?
JOKO : Par rapport au titre de la chanson The Knight, le chevalier, oui c’est exactement ça. La chanson parle de se cacher derrière sa carapace. Dans cet EP, j’en parle pas mal, car quand je l’ai écrite c’était une période de ma vie où j’ai réalisé cet aspect de ma personnalité.
Je suis quelqu’un d’assez sociable et bavarde, mais je ne suis pas la meilleure pour communiquer ce que je ressens. Je m’en suis rendu compte et ça m’a un peu choquée car je ne me voyais pas forcément ainsi et du coup j’ai beaucoup écrit là-dessus. C’est ce qui a donné le nom de l’EP et The Knight avec l’idée de ne pas pouvoir et vouloir dire ce que l’on ressent, parce que l’on a peur de paraître trop sensible ou avec trop d’émotions.
J’aimais bien cette idée d’armure, même si c’était une vraie galère, car elle était très lourde et trop grande pour moi. Une armure très rigide mais qui t’empêche de te mouvoir. Une fois que je l’avais, je ne pouvais lever les bras, ça t’handicape énormément et même si ce n’était pas prévu, ça me griffait la peau. C’est exactement pareil avec l’armure que je m’imagine porter dans les moments où je n’ose pas dire ce que je ressens, ça te retombe toujours un peu dessus, ça t’empêche de vivre les choses et de te connecter avec les gens. Au final, c’est tout aussi handicapant que cette armure que j’ai portée pendant deux jours, pendant le tournage. J’aime bien la symbolique derrière ce costume.
AAS : Si tu devais donner envie aux gens d’écouter ton EP, que leur dirais-tu ?
JOKO : Ohhh (rires) je suis nulle pour ça… ! Déjà, ce qui me ferait hyper plaisir, c’est que les gens prennent le temps d’écouter les paroles. Je sais qu’en France, on n’a pas un niveau d’anglais forcément excellent. Si je devais retourner la question, « si un artiste devait me donner envie ? » Ce qui me plaît chez les artistes, peu importe si ce sont des musiciens, des peintres, des acteurs, c’est quand les projets sont personnels, quand ils viennent des tripes. Si on sent que c’est la passion de la personne, qui joue un peu sa vie à chaque détour de ses projets.
La musique me rend très heureuse et m’épanouit. Je trouve qu’en général ça s’entend dans les titres des gens, dans leurs productions et si ça, ça parle aux gens, ils retrouveront ça chez moi.
AAS : Tu fais partie de la sélection « FAIR 2022 » (1er dispositif de soutien au démarrage de carrière et de professionnalisation en Musiques Actuelles depuis 1989), qu’est-ce que ça t’apporte de plus ?
JOKO : Alors ça m’a fait super plaisir, car comme je te disais, il y a eu une année assez compliquée où je me suis retrouvée un peu à porter tout, toute seule. Cette année-là, je la trouve encourageante car j’ai déjà trouvé un nouveau manager. Avec le FAIR je me suis dit « il y a d’autres personnes qui croient en toi » et ça, ça fait toujours du bien. Le FAIR, c’est aussi un accompagnement spécial pour moi car Arthur l’avait eu avec un autre groupe et moi je commençais tout juste la musique à ce moment-là. Je me souviens lui avoir dit « s’il y a un truc que j’aimerais avoir de tous les tremplins à Paris, c’est vraiment le FAIR ». Il y a déjà du temps, car ce n’est pas sur une semaine ou quelques jours. Ce sont des gens qui vont prendre le temps de développer ton projet musical avec toi et je trouve que c’est bien. On a tous envie d’être entouré et ce n’est pas forcément évident de trouver le bon entourage dans le métier que l’on fait.
AAS : Tes projets à venir ? J’ai vu ta date au Consulat à Paris.
JOKO : Oui, il y a eu une Release Party à Paris au Consulat que j’ai auto-produite. J’ai invité Kalika et plein de musiciens que j’aime. C’était ma toute première date en tête d’affiche. Mon père a fait ma première partie au piano. J’avais très envie de fêter la sortie de l’EP dans un endroit particulier. J’ai eu aussi pas mal de concerts malgré la période pas évidente. Je travaille actuellement sur la suite, j’ai pas mal de nouveaux titres dont un que j’ai composé il n’y a pas longtemps et, j’avoue, qui est devenu un coup de cœur. J’ai écrit un clip là-dessus et j’aimerais bien terminer ce morceau et tourner le clip car j’ai envie de le sortir rapidement.
À partir d’avril, j’ai de la promo en Belgique (le 30 avril à Bruxelles) et sinon je pars quelques jours en vacances aux Canaries (rires), j’en ai besoin !
Interview réalisée avec Iris Di Napoli le 21 mars 2022