DITTER – CRINGE IS THE NEW SEXY
Il paraît que les textes de CRINGE IS THE NEW SEXY, l’indispensable nouvel EP de Ditter, ont été écrits dans le train. Pari prit de tenter l’expérience.
Gare de Rennes. Voie 3. « Éloignez-vous de la bordure du quai… »
Casque vissé sur les oreilles, je monte à bord. Voix hurlante, beats rageurs, guitare nerveuse, basse… J’entends à peine la voix qui nous indique « Le train en provenance de Brest et à destination de Paris Montparnasse va partir… »
L’EP démarre sur la chanson éponyme à l’allure d’un TGV et ne laisse aucune chance au contrôleur. De toute façon, il est question-là de perte de contrôle. Un lâcher-prise total et salvateur. Cringe is the new sexy est un slogan qu’on pourrait aussi bien lire sur un tote bag que scander à pleins poumons dans un bar en sueur.

« No one is looking at you. Dancing on the spotlight too… » Des paroles fédératrices qui font rage, juste pour dire qu’il n’y a rien de mieux que de s’assumer. Je ferme les yeux et l’image est immédiate. Tout un wagon qui déraille, des voyageurs sautant partout, dansant sans se soucier du numéro de leur siège.
« Cringe », ce mot que l’on associe au ridicule, à l’embarras, devient ici la locomotive d’une libération.
Sur cinq titres explosifs, le trio explore les contradictions d’une génération ultra-exposée, souvent tiraillée entre le besoin d’être aimée et celui de s’en foutre.
Toute une batterie inoxydable d’humains listés avec arrogance sur l’hymne Way too cool for you, parfait pour se laisser aller sur le dancefloor. « I am a slut, I am a lady, I am a kid, I am so mature, I am paranoid … » Qui que tu sois, sache que tu es bien trop classe pour ceux que la différence dérange.
You need a break, Buffalo Jam et le puissant Eternity poursuivent un voyage turbulent, loin d’être lissé pour séduire.
Et c’est ce qu’on aime depuis le début chez Ditter, leur refus du vernis. Rosa (également à la tête du très beau projet Denys Roses) mène la danse au chant, sa voix passant sans prévenir du murmure au ressac des vagues. À ses côtés, François (guitare) et Samuel (basse) construisent un son brut, sans fard, taillé pour la scène. Une musique qui se confronte aussi bien à la pop, au punk qu’à l’électro frontale.

Ditter impressionne par sa spontanéité et s’éloigne progressivement de ses influences pour ne ressembler qu’à lui-même. Chaque morceau est direct, mordant, sans surproduction. C’est précisément ce qui fait la force jubilatoire du projet.
Utilisant le malaise comme manifeste, ce qui dérange devient beau et surtout vivant.
Leur musique respire l’urgence du concert, le besoin d’interagir avec le public. Un public qui leur rend bien et accompagne de plus en plus le groupe vers le haut de la scène alternative française.
L’ascension Ditter est en marche. Déjà lauréats du Prix Chorus 2025, ils viennent d’annoncer leur nomination aux prochains MME Awards, une distinction des talents émergents à l’échelle européenne. Nul doute que leur humour combatif et leur énergie désarmante les propulsent très vite au sommet.
En attendant, leurs chansons tournent en boucle et réchauffent la froideur du paysage qui défile sous mes yeux… Jusqu’à l’arrivée. Une réalité un peu cringe mais qui bizarrement se transforme en quelque chose de plus sexy.
Le son est si fort que je ne l’ai pas entendu. « Paris terminus du train. Tous les voyageurs sont invités à descendre… ». Alors je reste à bord de leur EP, accroché à ce furieux trajet pour l’éternité.
13.11 Trioletto @culturecrousmontpellier, Montpellier
15.11 @leferrailleur, Nantes
12.12 Trinitaires, Metz
13.03.26 @lamaroquinerie, Paris – Release Party


