Interview
du mois

KALIKA

Depuis la sortie de son premier EP Latcho Drom en 2022, KALIKA poursuit son ascension et sortira un nouveau single Superficielle issu de son premier album à venir le 17 février 2023. Nous avions pris le temps d’échanger avec KALIKA lors de sa venue à Saint-Brieuc (à la salle Bonjour Minuit en décembre dernier). Moment intense avec cette artiste que nous aimons particulièrement .

AAS : Il y a un an, jour pour jour, on se rencontrait pour la première fois à Bars en Trans à Rennes. Aujourd’hui c’est encore en Bretagne, j’ai l’impression que tu te sens chez toi ici. Tu les aimes « tes petits Bretons » comme tu dis (rires) ?

KALIKA : Oui ce sont mes « petits Bretons préférés » (rires). Il s’est passé quelque chose avec le public breton. Je ne sais pas si c’est parce que le musicien qui m’accompagne, Balthazar Picard, est Breton ou si c’est parce qu’en Bretagne les gens sont assez ouverts d’esprit et très musique. J’ai aussi l’impression qu’il y a une énergie très rock, même si, je n’en fais pas. Mais il y a un vraiment un truc qui matche avec ce public. C’est en Bretagne que l’on a le plus joué. Depuis le Festival Bars en Trans de 2021, on a dû faire 10 dates en Bretagne, ce qui est rare… c’est assez fou !

AAS : Quand on dit Bretagne, et notamment Côtes d’Armor, on pense aussi à Yelle. Une artiste que tu affectionnes particulièrement. Le single Les Glaçons » vient de sortir. Comment s’est passée cette collaboration ?

KALIKA : Ça s’est passé naturellement en fait, vu que nous étions invités à faire les premières parties de la tournée. Je préparais l’album et je leur faisais écouter des morceaux. C’est Grand Marnier qui a dit un jour « ce serait cool de faire un feat ». C’est resté dans ma tête. Je lui ai envoyé des petites maquettes de sons et la machine s’est mise en route. Un jour, j’entends Balthazar faire la prod des glaçons, sans être encore ce qu’elle est aujourd’hui, c’était les prémices. Et, tout à coup, j’ai eu la mélodie du refrain dans ma tête et je me suis dit : c’est ça le morceau avec Yelle ! Il y avait ce truc dans la chanson qui a l’air un peu naïf et en même temps, il y a plein de sens cachés. On a ensuite travaillé le texte, le son et la prod, tout ensemble.

AAS : Cette chanson « Les glaçons » a plusieurs sens. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

KALIKA : Mon explication n’est pas forcément la seule. Tout le monde peut trouver le sens qu’il veut au son. À la base, cela parle des vieux mecs de l’industrie de la musique qui ont tendance à nous paternaliser tout en voulant nous ‘’ken’’. On voulait aussi faire référence aux « Sucettes à l’anis » de Gainsbourg chantées par France Gall. Sauf que cette fois, on sait de quoi on parle, on connait les allusions. C’est une façon de dire : « regarde, on est là avec une mélodie un peu enfantine, mais on est en train de te déglinguer dans les couplets tout en ayant l’air d’être mignonne et « con con » comme tu penses que l’on est. » C’est aussi un son pour faire la fête. On aime bien dénoncer ce genre de choses et c’est important de continuer d’en parler. On a vraiment travaillé le texte pour qu’il y ait plein de sens et pour que l’on ne capte pas tout dès la première écoute. Au début c’est cool, on s’amuse, puis tu réécoutes et tu comprends le sens du son et du refrain.

AAS : Tu es en train de finaliser ton premier album, où en es-tu ?

KALIKA : Ça fait très longtemps que je travaille sur ce premier album. J’ai gardé beaucoup de chansons que j’avais écrites, composées parce que je sentais que je les voulais pour l’album. J’avais besoin de prendre le temps sur les chansons et les histoires que j’allais raconter. Je voulais vraiment que ce soit parfaitement juste quand c’est triste ou quand c’est la fête. J’ai toujours essayé d’être au plus proche de ma vérité. Je crois que j’ai réussi à faire ce que je voulais sur cet album, même si c’était long et dur.

AAS : Il y a combien de titres ?

KALIKA : Quatorze titres dans l’album et que des inédits, à part Les glaçons. Il s’appellera Adieu les monstres. Ce sera un album plus lumineux que ce que j’ai fait avant. C’est pour ça je leur dis aussi adieu. C’était un chemin pour retrouver la lumière. Mon projet KALIKA est vraiment arrivé à un moment de ma vie où je voulais crever. C’était vraiment l’enfer sur terre. J’ai fait appel à mon dernier élan vital pour faire ces chansons. Même quand je ne savais même plus qui j’étais, où j’étais, la musique me rappelait que je n’étais pas encore morte. Et clairement, ça m’a sauvée. Cet album, c’est tout ce parcours-là pour comprendre des choses de l’enfance, de l’adolescence, essayer de les démêler, de retrouver quelque chose de lumineux. A la base, je suis une personne hyper lumineuse, je ne suis pas du tout dark. Ce sont les évènements qui sont arrivés, qui ont fait que je me suis retrouvée dans un truc où j’étais en colère. J’étais triste et sombre, mais ce n’est pas du tout ma nature. Dans l’album, il y aura de la lumière, mais aussi des ténèbres, des souvenirs d’enfance et d’adolescence. C’est vraiment l’album d’une meuf qui essaye de devenir une femme, mais qui ne l’est pas encore (rires).

©Mathias Adam

AAS : Pour le genre de ta musique, va-t-on passer de pop trash à pop lumineuse ?

KALIKA : Quand même pas ! (rires). Je pense que ça restera quand même toujours un peu trash, car c’est dans ma nature. Je suis un peu écorchée, comme ma voix. Même quand ce sera plus lumineux, je continuerai de parler de sujets un peu rugueux et d’une manière beaucoup plus énervée que la plupart des artistes féminines en France.

AAS : Tu es sur tous les fronts, tu gères beaucoup de projets en même temps, la pression est-elle un moteur chez toi ?

KALIKA : Je ne sais pas si c’est un moteur. J’ai l’impression que ça dépend des jours : parfois c’est trop bien et parfois c’est une malédiction parce que je n’ai pas le choix. Je suis trop contente de faire ça et ça vaut le coup à la fin. Mais c’est tellement d’efforts parce que je mets énormément d’énergie. Je travaille tout le temps, je reste toujours sincère, et je m’efforce de faire quelque chose de nouveau, d’apporter quelque chose à la musique en France. Parfois, c’est hyper dur de voir que je suis seule à me battre. Je suis toute seule dans mon délire. Il y a quelques artistes auxquels je m’identifie un peu, Yelle justement. On n’est vraiment pas beaucoup et je suis encore au début, donc c’est encore la phase où tu peux douter, tu as peur. C’est difficile financièrement et tu dois quand même essayer de convaincre les gens que tu vas y arriver. Parfois, je t’avoue, que ça fout la pression et je me dis que si là je n’y arrive pas, je vais devoir changer de métier. Surtout que je suis faite pour ça, je suis née pour ça, je n’ai aucun doute là-dessus. Je ne comprends pas que ce soit aussi long et que mes efforts ne soient pas récompensés comme je le voudrais.

AAS: Pourtant, ta communauté s’agrandit, ainsi que le public. Il y a beaucoup de bienveillance autour de toi.

KALIKA : J’ai trouvé un public, qui n’est pas encore immense, mais qui me comprend. On se ressemble. Je pense qu’on a vécu les mêmes choses, et ça m’aide beaucoup et eux aussi en retour, je pense. Grâce aux concerts, je tiens le coup, et je me dis qu’il y a vraiment des gens derrières, que ça sert à quelque chose. Je ne suis pas juste une folle avec un rêve bizarre, et je sais que c’est simplement plus dur parce que j’ai fait le choix de faire zéro concession, d’être toujours moi, de ne rentrer dans aucun moule, dans aucune case. C’est de ça dont je suis le plus fière, mais c’est aussi ça qui me fait souffrir tout le temps parce que je me sens mise à l’écart sur plein de choses.

AAS : Tu fais le plein de concerts, tu as ton nom aujourd’hui qui remonte en haut de l’affiche, c’est une belle récompense , non?

KALIKA : Oui bien sûr il y a de très belles choses. Je suis très programmée, c’est trop bien. Mais même si on donne l’impression d’être en mode « waouh ! c’est génial », je vois ça comme un investissement personnel, physique, mental. J’ai fait 99 dates en un an, dont énormément de dates un peu « ingrates », où il n’y avait pas beaucoup de gens. Au final, c’est super dur émotionnellement. Quand tu vois ensuite un gars qui est en radio tous les jours, en faisant de la soupe… Tu te rends compte à ce moment-là que cette industrie de la musique est trop bizarre. Parfois, même les concerts sont un peu mal organisés : tu te retrouves dans des endroits paumés où personne ne te connaît. En fait les gens ne te connaissent que si tu passes à la radio ou à la télé. Et là, tu te dis : « je n’ai pas envie de vivre encore ça, d’être humiliée ». On n’est pas invincibles, même si je pense être une personne assez forte. Il y a des jours où tu fais 7 h de train, tu portes ton matériel, tu n’es pas beaucoup payée. Tu galères tous les mois pour vivre ton rêve et au final, tu arrives devant une salle où il y a trois personnes. Ce n’est pas aussi beau que ce que les gens pensent. Mais ce qui est essentiel, c’est surtout de rester pure dans ce système. Je resterai toujours comme ça, même si je mets dix ans, je vais continuer jusqu’au bout. Je vois quand même le Kalika Gang s’agrandir à chaque fois. Je sais que ce sont des personnes qui ne sont pas là juste parce qu’elles m’ont vu passer à la télé. Elles sont là parce qu’elles m’ont captée. On est de la même espèce et ça, ça n’a pas de prix. C’est sûr, c’est plus dur, c’est plus long, mais c’est beaucoup plus fort et beaucoup plus vrai.

©Valentin Fabre

AAS : C’est quoi ton rêve KALIKA ?

KALIKA : Mon rêve… c’est compliqué (rires) : j’en ai plein. Je crois que mon rêve c’est de marquer l’histoire de la musique en France. J’ai vraiment une grande ambition artistique. J’ai la sensation depuis que je suis petite que je dois faire ça et que je dois apporter mon truc. Je veux vraiment insister jusqu’à ce que la France change un petit peu ses codes, parce que ça fait très longtemps que nous sommes dans les mêmes choses. Heureusement, le rap est arrivé et a changé un peu les choses. Mais sinon, c’est toujours la même variété. Changer l’histoire de la musique, faire vraiment quelque chose de marquant, qui reste dans le cœur des gens, c’est mon rêve. J’ai envie d’essayer de créer quelque chose d’immortel, de réussir à transmettre les bonnes énergies au bon moment et d’apporter de la lumière aux gens qui en ont besoin.

AAS : J’ai vu qu’il y avait des dates à l’étranger, pourrais-tu chanter en anglais pour agrandir un peu plus ta communauté ?

KALIKA : Je suis quand même très attachée à la langue française. Le français me va mieux que l’anglais en général en musique, étant donné que je suis toujours dans cette quête d’être dans le juste. C’est ma langue natale, celle que je maîtrise le mieux. Pourtant mes artistes préférés ne sont pas français, ou alors ils sont morts. J’adorais Gainsbourg. Mes artistes préférés, sont anglais, américains et des pays de l’Est. Mais j’aimerais bien faire des sons en anglais, ou un mixte avec du français. Si dans cinq ans je galère encore en France et qu’on me boude, peut-être que je chanterai en anglais (rires).

AAS : Qu’est-ce que l’on peut te souhaiter pour 2023 ?

KALIKA : J’aime bien me laisser surprendre au fur et à mesure. Je n’aime pas trop tout savoir à l’avance. En 2023, j’aimerais juste que le Kalika Gang continue de s’agrandir, que ça continue de résonner dans le cœur des gens. Que mon album soit un succès, et que la Cigale se remplisse (rires). J’espère que les médias français et tout ce qu’il y a autour (les playlists) se décoincent. C’est ça en fait qui va tout changer, parce que le public, naturellement, s’agrandit. On marque des points à chaque fois qu’on fait des concerts. Je veux juste passer à l’étape d’après, que ce soit plus léger.

Prochain single Superficielle 17 février 2023.

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