Rencontre avec l’artiste Québécoise SAFIA NOLIN en concert à la Nouvelle Vague de Saint-Malo vendredi 31 mars 2023.
AAS : Bonjour Safia, c’est la première fois que tu viens jouer en Bretagne ?
SAFIA NOLIN : Est-ce que Rennes est en Bretagne ? Si c’est le cas, alors oui je suis déjà venue. Si c’est non, c’est donc ma première fois. C’est un vrai débat chez vous (rires).
AAS : Peux-tu te présenter Safia ?
SAFIA NOLIN : Je m’appelle Safia Nolin, je fais de la musique un peu folk, grunge parfois, acoustique, en français et un peu en anglais maintenant. J’ai grandi au Québec, mon père est algérien et je suis queer. Je suis une personne qui aime apprendre. Je fais beaucoup de choses seule dans mon projet : mes clips, mes visuels etc.
AAS : C’est le retour de Safia Nolin sur la scène française. Comment ça se passe avec le public ?
SAFIA NOLIN : Ça se passe super bien. Ça faisait longtemps que j’avais envie de rejouer en France, mais c’était compliqué d’avoir une équipe. J’ai une nouvelle tourneuse depuis quelques semaines, j’espère faire plus de concerts.
AAS : CARRIE, c’est ton dernier single, ta première sortie en anglais et en indépendante. C’est un nouveau départ ce projet ?
SAFIA NOLIN : Oui, c’est vraiment le début de quelque chose de nouveau. Cela faisait longtemps que je voulais faire les choses par moi-même et essayer d’atteindre la source la plus organique de la musique. Tout cela a fait l’objet de beaucoup de réflexions, de discussions avec mes amis pour essayer de comprendre ce qui me rendait malheureuse dans ce milieu. Finalement, je pense que je me sentais très étouffée dans ce système de production où des gens investissent de l’argent pour que tu aies du succès, mais où il faut toujours produire. La façon la plus saine pour réaliser tout ça a été de me détacher et de faire mon projet seule.
C’est ma première sortie en indépendante, et je réalise que c’est beaucoup de travail. Cela fait 10 ans que je fais de la musique et j’ai toujours eu un label qui s’occupait de tout. Je prends conscience de l’ampleur de la tâche. Je dois payer directement les gens qui travaillent avec moi mais je trouve que c’est plus gratifiant car j’aime savoir où va mon argent. Avec CARRIE c’est un nouveau chapitre de ma carrière, même si j’ai sorti un EP en 2021que j’ai beaucoup aimé.
AAS : CARRIE c’est à nouveau une chanson triste comme beaucoup de ton répertoire. As-tu pensé à faire des chansons un peu plus joyeuses ?
SAFIA NOLIN : C’est une bonne question! En fait il y a une chanson qui est sortie qui s’appelle CONDENSA que j’ai faite avec Connor Seidel. C’est un réalisateur de Montréal qui a fait un album avec plein d’artistes québécois pour célébrer les années 70. C’est une chanson qui est plutôt joyeuse, et j’étais surprise du résultat et de l’accueil du public. J’écoute énormément de pop joyeuse et j’aimerais bien faire une chanson dans ce style. J’y réfléchis mais je ne suis pas encore prête.
AAS : On sent que tu vis au jour le jour et que tu écris en fonction de tes envies, que tu n’es pas dans une projection de sorties d’EP ou d’albums, avec un calendrier précis?
SAFIA NOLIN : C’est exactement pour ça que j’ai décidé de faire une sortie en indépendante. Je pense que les artistes et les labels sont pris dans un engrenage, tout fonctionne avec le même système. Tu sors un album, il est ensuite vendu en spectacle, puis il y a les tournées. Autour de tout ça, il y a la promo et tout est imbriqué dans ce vieux système qui pour moi ne fonctionne pas. Et justement, je n’étais pas bien avec tout ça. Aujourd’hui je suis indépendante et mes questionnements sont différents : de quoi aurais-je envie dans les prochains mois ? Est-ce que je sors un single en français, en anglais, une chanson, quatre chansons, un film, un clip, un jeu ? Je peux faire ce que je veux et c’est ce qui me fait du bien et me donne plus de pouvoir en tant qu’artiste sur ma créativité et la façon dont je l’exprime.
C’est avec mon deuxième album que j’ai réalisé tout ça. J’avais beaucoup travaillé sur ce projet, c’est l’album dont je suis le plus fière. J’ai passé beaucoup de temps et mis beaucoup d’amour dans les chansons que j’ai crée et j’ai fait exactement ce que je souhaitais. Cet album est très long, il dure 45 minutes. Je pense que les gens ne peuvent pas avoir une écoute attentive et qualitative sur un temps aussi long. Aujourd’hui, j’ai le choix de sortir juste une chanson ! Yes ! (rires)
AAS : Le militantisme occupe beaucoup de place dans ta vie, presque autant que l’artistique, n’est-ce pas ?
SAFIA NOLIN : Je me suis un peu calmée parce que c’était très intense pendant un moment et ça prenait beaucoup de place dans ma tête, dans ma vie. Je me concentre actuellement sur la création artistique et ma carrière, tout en étant dans le militantisme. C’est toujours très important pour moi, j’y pense tout le temps. Je ne peux évoluer dans ce milieu sans me rendre compte de mes privilèges et de ceux qui n’en ont pas. J’ai dû prendre du recul pour préserver ma santé mentale, car quand tu fais du militantisme, tu te fais aussi attaquer, tu te fais remettre en question. J’ai beaucoup pris sur moi. Pour le moment, je me concentre sur ma musique.
AAS : Tu disais dans une interview il y a des gens qui me « follow » mais qui n’écoutent pas ma musique. Ça te dérange ? Tu es une femme inspirante, pour ce que tu dégages, quand tu évoques certains sujets, c’est peut-être pour ça ?
SAFIA NOLIN : Ces gens me suivent sur les réseaux mais ne connaissent pas ma musique ou ne l’aiment pas. Au début ça me dérangeait mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. J’aimerais juste que les gens qui me suivent, écoutent aussi ma musique et soient plus curieux. Les gens me disent souvent « Je te suis sur Instagram, j’aime ce que tu postes ». Je suis une influenceuse mais je ne le savais pas (rires).
AAS : Et ta passion pour le tricot, tu nous en parles ?
SAFIA NOLIN : Ça a commencé avec ma meilleure amie qui m’a appris le tricot il y a 7 ans. Cet été, j’ai commencé le crochet, c’est différent ! Ce n’est pas aussi fin et délicat que le tricot mais c’est plus facile et beaucoup plus rapide. Je me suis mise à crocheter partout, en regardant la télé, dans le métro, dans mon lit, dans l’avion. J’en ai vendu environ 15 pièces et sinon c’est pour faire des cadeaux. J’ai aussi fait une petite collerette à mon chien (rires).
AAS : Tu as crocheté un pull pour une association que tu as mis aux enchères sur Ebay dernièrement, a-t-il été vendu ?
SAFIA NOLIN : Le pull que j’ai crocheté, c’était pour aller avec le single. La personne qui a mis la plus grosse enchère n’a pas payé. Ça ira à l’enchère suivante. Ce pull a été proposé autour de $400CAD soit environ 350 euros, ça ira à une fondation.
AAS : Un ou une artiste à suivre ?
SAFIA NOLIN : Mon amie N Nao, c’est une artiste incroyable que j’admire !