VENDREDI 30 MAI 2025-PARIS LE HASARD LUDIQUE
Depuis ses débuts, la Chrysalide défend une scène musicale exigeante, queer, féminine, émergente — et farouchement indépendante. Chaque édition donne à voir des propositions artistiques fortes, traversées par un goût des mots, de l’engagement, et de la scène.
Derrière cette soirée pensée comme un terrain d’expérimentations sonores et militantes : Kelyboy, DJ, défricheuse et catalyseuse d’énergies queer.
À l’approche de cette 8ᵉ édition, elle nous parle du projet, de ses choix artistiques, et de la vision politique qui continue de l’animer.

AAS : Bonjour Kelyboy. La dernière fois qu’on a échangé, tu préparais la deuxième Chrysalide. Ce 30 mai aura lieu la huitième. Comment le projet a-t-il évolué depuis ses débuts ? Qu’est-ce qui a le plus changé ? Et qu’est-ce qui, pour toi, reste essentiel ?
KELYBOY : Hello ! Eh oui, déjà la 8ᵉ, ça passe super vite… Je dirais que l’esprit est resté le même : exigence artistique, engagement politique, diversification des représentations, hybridité, innovation, entraide, découverte, bienveillance…
L’accumulation des éditions permet d’installer peu à peu une direction artistique reconnaissable, une couleur, et de fédérer un public grandissant. Les bases se sont solidifiées, la Chrysalide est de plus en plus identifié, ce qui ouvre de nouveaux champs d’opportunités, de collaborations…
AAS : En mettant en avant des artistes queer, féminines, minorisées, tu défends une ligne engagée. Comment la définirais-tu aujourd’hui ?
KELYBOY : L’engagement que je porte depuis le début à travers la Chrysalide est stable et se situe à la fois sur un plan artistique et politique. Je défends un art exigeant, durable, hybride, précurseur, en réponse à cette ère consumériste et communicationnelle où tout doit aller vite, faire le buzz, quitte à tout faire n’importe comment, superficiellement, et que tout se ressemble. J’essaie également d’œuvrer à la visibilisation des projets féminins et queer, sous-représentés dans l’industrie culturelle. Beaucoup de projets brillants, prometteurs et très actuels dans leur propos restent dans l’ombre, alors qu’il y aurait vraiment un public pour, d’après moi. J’essaie de fédérer et faire connaître cette scène. J’aspire aussi à diversifier les représentations de la féminité et de la masculinité, et à décloisonner les genres musicaux et les milieux.
AAS : On a l’impression que l’industrie musicale commence à s’intéresser aux artistes queer, souvent très en avance sur les tendances, avec des propositions fortes. Est-ce que tu as le sentiment qu’iels sont encore en marge, ou qu’iels deviennent aujourd’hui des figures repérées, voire récupérées, par le système ?
KELYBOY : Oui, il y a clairement une mise en lumière de la queerness actuellement, mais pas forcément des profils les plus sincères et originaux à mon goût. Ce qui n’est pas étonnant, car l’industrie a toujours besoin de vulgarisation et de monochromie pour vendre au plus grand nombre. Et les artistes prêts à faire beaucoup de concessions industrielles sont rarement les plus intéressants. Néanmoins, un exemple comme celui de la carrière grandissante de Théa me donne beaucoup d’espoir. J’y retrouve du travail soigné, de la sincérité, de l’engagement et une proposition artistique forte et singulière.

AAS : Comment construis-tu la programmation des Chrysalides ? Tu fonctionnes au coup de cœur ou tu suis une vision plus long terme ?
KELYBOY : C’est un mélange. Je me tiens très au courant de l’actualité de la scène émergente française, et pas mal d’artistes du collectif ou d’ailleurs m’envoient des candidatures ou des recommandations. J’agence chaque soirée en fonction des disponibilités, des actualités des projets, et des évolutions de styles. J’essaie d’avoir un peu de chanson/pop, de rap et d’électronique dans chaque édition, et on termine toujours sur un DJ set. Autre aspect très important pour moi : les personnalités des artistes. Je cherche des profils de gens exigeants artistiquement mais accessibles, fun, motivés, engagés, qui aiment partager et kiffer ensemble. La hype pour la hype, le snobisme, la froideur, les caprices de diva… c’est vraiment pas mon délire.
AAS : La Chrysalide a toujours eu lieu au Hasard Ludique, qui soutient le projet. Est-ce que d’autres lieux ou structures institutionnelles s’y intéressent aujourd’hui ? Et ce format, tu l’imagines ailleurs ?
KELYBOY : Oui, le soutien du Hasard Ludique est très précieux, je leur suis très reconnaissante de nous avoir fait confiance au début sur pas grand-chose, et de nous laisser une grande liberté. Tant qu’ils suivent, j’aimerais que la soirée résidente reste là-bas. On a de plus en plus de propositions de salles ou événements extérieurs, en effet, plutôt sous le format de cartes blanches. On nous donne une durée et un budget pour organiser un show à plusieurs. L’aspect collectif dans ce créneau féminin et queer commence à intéresser du monde, parce que c’est de plus en plus porteur commercialement.
AAS : Le 30 mai, on retrouvera la Chrysalide Team. Tu peux nous dire qui elles sont et ce qu’elles apportent à l’aventure ?
KELYBOY : Le collectif Chrysalide est un peu une grande nébuleuse avec plusieurs niveaux de cercles. Dans le noyau dur des personnes les plus investies, on peut retrouver Contrebande, Ici Modesta, Coeur, Sopycal, Thérèse, Oxni, Inayat, Névroses Nocturnes, Sônge, Louisadonna, Sheng et Énaé. C’est vraiment un réseau d’amitié, de partage, de kiff. Ce sont des gens qui aiment autant travailler que rigoler. On se soutient, on discute beaucoup, on collabore, on s’entraide, on s’échange des recommandations, on organise des apéros, des vacances créatives ensemble… Pour moi, c’est la famille choisie.
AAS : Tu penses déjà aux prochaines éditions ? Tu imagines faire évoluer la Chrysalide, ou même créer quelque chose de nouveau ?
KELYBOY : Oui je pense beaucoup à la suite, je vais avoir un peu plus de temps pour m’en occuper cette année. On a déjà une option posée en septembre au Hasard Ludique, et des cartes blanches en cours de négociation. Parmi les projets qui me tiennent le plus à cœur : lancer une chaîne Youtube de débat entre artistes autour de grandes questions actuelles (industrielles, sociétales, techniques…), et organiser la Chrysalide comme une sorte de booker indépendant.


AAS : Si tu devais décrire chaque artiste programmé·e pour cette édition en un mot ou une phrase ? Un ressenti, une énergie, ce qui t’a donné envie de les inviter.
LE KAIJU : J’aime son côté personnage, son hybridité, sa DA visuelle edgy, son univers underground, ses expérimentations autour du genre, son engagement, ses mélanges de styles. Je n’ai jamais vu en live encore !
THELMA : Une personne solaire et inspirante dont je suivais de loin le travail depuis quelques temps. J’aime sa manière de mélanger la chanson, la pop et l’électronique. J’aime son humour, sa désinvolture, sa manière de parler de la vie/culture lesbienne. Je vais découvrir pour la première fois en live avec le public.


CALLING MARIAN : Amie de longue date, je trouve qu’elle a créé un univers technoïde et mélodique très à elle, au groove addictif, aux échos cinématographiques, et qui transporte dans l’espace et les émotions.
FAUSTINE : C’est Louisadonna qui m’avait recommandé ce projet suisse, électro-pop, très engagé et accessible dans la manière de vulgariser des sujets chers à la Chrysalide. Ça me tient à cœur de créer des liens avec des artistes francophones d’autres pays également. Je n’ai jamais vu non plus encore.
Billetterie & infos pratiques
Tarifs : 13 € en prévente / 15 € sur place LE HASARD LUDIQUE
Line-up : Thelma (live) , Faustine (live), Chrysateam Medley Show (live), Le Kaiju (hybrid live), Calling Marian (DJ set)