Interview
du mois

LES VULVES ASSASSINES

Première rencontre avec les VULVES ASSASSINES au Festival Bars en Trans à Rennes en décembre dernier. Les Vulves Assassines, c’est DJ Conant, sa grande gueule et ses synthés crasses. MC Vieillard, ses gros muscles au service de son petit sampler, et Sam, véritable génie de la guitare électrique.  Venues du 93, les Vulves Assassines font danser fort, chanter en cœur, saigner les oreilles. Et surtout, elles font réfléchir. Parce les Vulves Assassines, c’est aussi l’espoir d’un monde meilleur, plus juste, un monde où le Cac40 serait le nom d’une boisson chocolatée bio et accessible à tous. Marxistes, féministes, elles chantent le futur.

AAS : Bonjour, je viens de découvrir que c’est votre première fois à Rennes, comment se fait-il que vous ne soyez jamais venues jouer dans cette ville ?

DJ CONANT : Très bonne question ! En fait, on a joué dans très peu d’endroits jusque-là. On s’est beaucoup concentrées sur La Normandie, Le Rhône, La Seine Saint-Denis et un peu dans le Sud-Ouest, mais c’est tout. La conquête du monde commence maintenant avec Rennes !

AAS : Vulves assassines, pour ceux qui ne connaissent pas, en quelques mots percutants pour ne pas qu’on oublie ?

MC VIEILLARD : C’est du punk rap de l’espace marxiste féministe.

ASS : Comment est né votre projet ?

MC VIEILLARD : Il a commencé il y a très longtemps à Aubervilliers. On s’est rencontrées au boulot comme la plupart des couples. On a commencé par vouloir faire un gang. Nous étions jeunes et révoltées. Nous sommes toujours révoltées, mais un peu moins jeunes. Nous avons muri, et plutôt que de faire de la bagarre, on s’est dit : « On va faire de la musique », mais on n’y connaissait rien. Nous n’avons jamais fait le conservatoire, nous ne connaissons pas le solfège. Ça nous a pris dix ans pour ressembler à quelque chose. Et donc voilà, nous sommes maintenant trois : Dj Conant, moi-même MC Vieillard et Samy la guitariste électrique qui nous a rejointes.

AAS : Vous n’aviez jamais fait de musique? Vous partiez donc de zéro ?

DJ CONANT : J’avais juste fait de la guitare quand j’avais 16 ans, mais j’étais vraiment très mauvaise. Je n’ai jamais pris de cours et j’ai abandonné très vite. Donc oui, on peut dire que Les Vulves Assassines sont nées de la motivation d’apprendre à faire de la musique, parce que franchement, c’est du boulot (rires). Si tu n’as pas la motivation, c’est un peu difficile de se contraindre à bosser tous les jours. La musique reste quand même un des trucs qui intéresse le plus les gens avec les séries et… la plage (rires). Et c’est vrai que si on voulait s’adresser au plus grand nombre, on avait plutôt intérêt à choisir ce genre de média. Comme on fait beaucoup de propagande politique, on s’est dit qu’on allait faire de la musique.

AAS : Vous étiez deux au départ, maintenant vous êtes trois. Qui fait quoi ? Qui donne les idées ?

DJ CONANT : Souvent, c’est en vacances ou à la maison en buvant un coup, quand on est détendues que les idées surviennent. On rigole autour d’une blague ou d’une punchline qui arrive , qui est souvent liée à un grand débat profond que l’on a déjà eu dans le passé. Et là on se dit la punchline ferait une bonne chanson : exemple « Derrick est un nazi » est devenue notre première chanson.

MC VIEILLARD : Il y en a une qui écrit des textes, l’autre qui fait le son. Ensuite, on se rend compte que les textes et le son doivent être améliorés. On le fait à deux, puis , on rajoute la guitare électrique, et là, ça change encore tout. C’est plein de couches successives de tempête de cerveau.

AAS : Mais entre vous, il y a une bonne entente ?

MC VIEILLARD : On s’entend très mal (rires).

DJ CONANT : On est copines, mais c’est vrai que faire un morceau, ce n’est pas toujours sans éclat. Comme dit MC VIEILLARD, on met des couches sur des couches. Ce n’est pas du tout la bonne méthode.

MC VIEILLARD : C’est toujours rageant de supprimer sa propre couche, qu’elle se retrouve sous celle des autres.

DJ CONANT : En général, on fait une base instru qui marche toute seule. Si on rajoute des paroles, ça ne marche plus, il y a trop de choses. Après, on rajoute de la guitare électrique, il y a  encore plus de choses. Il faut donc en enlever et c’est là que nous ne sommes pas d’accord. Souvent, ce sont de longues discussions sur la façon de finaliser les morceaux.

AAS : En 2021, lors d’une interview vous disiez : « Notre rêve, c’est l’abolition du capitalisme, l’abolition de la morale, l’abolition de l’argent, la semaine de 9 heures… » Vous y croyez encore ou pas  aujourd’hui ?

DJ CONANT :  On y croit plus que jamais.

MC VIEILLARD : C’est de toute façon nécessaire et inévitable pour que ce monde tourne à nouveau un peu mieux de réduire cette productivité. On a des ordinateurs, des machines, c’est pour faire autre chose. En effet, on vit plus vieux, mais c’est parce qu’on bosse moins qu’on vit plus vieux. Donc travaillons encore moins pour vivre encore mieux. Donc oui, une semaine de 9 heures, c’est carrément d’actualité !

AAS : Vos chansons, c’est de la politique avec des thèmes très engagés qui parlent à tout le monde. La chanson de « La retraite » est d’actualité, on y est. Elle ne peut pas être périmée cette chanson ?

MC VIEILLARD : J’espère qu’elle sera périmée bientôt, mais ce n’est pas trop à l’ordre du jour.

DJ CONANT : C’est une chanson qui peut facilement s’adapter parce que le refrain dit : « La retraite à 60 ans, on va se battre pour la garder. » Vu que la retraite, dans l’histoire de l’humanité, va être amenée à être avancée, on a fait en sorte qu’on puisse adapter cette chanson pour rester dans un mouvement progressiste.

AAS : Vous aviez pour mission de changer le monde, vous en êtes où ?

MC VIEILLARD : On s’est un peu perdu en route. Le Covid a mis un gros coup. On reprend, on a toute la vie devant nous, donc pas de problème, on est là.

DJ CONANT : On veut contribuer à notre échelle à la révolution prochaine et effectivement, il y a des tendances qui vont dans ce sens actuellement. Je pense que la nouvelle génération est plutôt dosée sur les questions d’écologie, de féminisme, et sur les questions sociales. Nous, on va dans le sens de l’histoire. On est un groupe révolutionnaire. On peut même dire qu’on est le groupe officiel de la révolution. On va essayer de contribuer à notre échelle, mais on reste un groupe de musique.

AAS : Vous vous voyez comment dans 5 ans ?

DJ CONANT :  Présidentes de la République. On aura été élues en 2027.

AAS : Que pourriez vous dire à des personnes qui hésiteraient à venir vous voir en concert ?

DJ CONANT :  Une fois un mec a dit dans le public : « C’est vraiment cool un concert des VULVES ASSASSINES car on se fait émasculer dans la joie !” Alors j’ai envie de leur dire « venez-vous faire émasculer dans la joie » !

AAS : Que peut-on vous souhaiter pour 2023 ?

MC VIEILLARD : Bonne année ! Statut d’intermittence ! (rires).

DJ CONANT : Il y a une manif qui est planifiée en janvier par les syndicats. Je nous souhaite et à l’ensemble des manifestants de diffuser notre chanson « La retraite” ” dans tous les cortèges. C’est notre rêve !

AAS : Un ou une artistasuivre ?

MC VIEILLARD : BABY VOLCANO, une Suisse. Elle est époustouflante.

AAS : Vos projets pour 2023 ?

DJ CONANT : Nous allons faire une grande tournée, presque mondiale, car on a joué en Suisse et c’est en dehors de l’Europe ! On fait une date à La Maroquinerie le 13 avril .

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