BAD BAD BIRD–SI BRUTAL
En 2022, sur Artiste à Suivre, nous vous parlions déjà de Bad Bad Bird. À l’époque, on la découvrait comme une pépite discrète, dans l’ombre encore, mais dont la sincérité et les débuts prometteurs nous avaient interpellés. Connue alors comme la bassiste du groupe rock garage Toybloïd, Madeleine lançait en parallèle son projet solo. Aujourd’hui, Bad Bad Bird prend pleinement son envol avec Si Brutal, un premier album aussi personnel que puissant, écrit en français, au fil d’un parcours de vie et d’une traversée émotionnelle.
On l’a retrouvée au festival Art Sonic, pour une discussion simple, directe, sans filtre comme sa musique.
AAS : Ton premier album, Si Brutal, est sorti en mars dernier.Qu’est-ce que tu avais besoin d’exprimer à travers ce disque ?
MADELEINE : Cet album, c’est un bon vieux projet de confinement, un de plus. J’avais joué dans un autre groupe avant, mais je ne composais pas. Et d’un coup, je m’y suis mise, parce que j’ai vécu un truc très dur. Malheureusement, ce sont les difficultés de la vie qui m’inspirent. Alors, j’ai écrit un premier morceau, un peu un accident, puis un deuxième, un troisième… Et je me suis rendue compte que j’aimais faire ça. C’est devenu un album. Ça m’a permis de régler plein de choses, et de dire maintenant, tout va mieux. Voilà, j’ai fait cet album pour dire : « ok, c’est compliqué, mais j’ai réglé mes soucis, maintenant je vais bien ».
AAS : Comment s’est-il construit cet album ? Il a mis du temps à voir le jour ?
MADELEINE : Oui c’était un peu long. J’ai commencé à écrire à l’été 2020, et il est sorti en 2025. Mais la seule raison, c’est que je suis très lente pour écrire des morceaux (rires). Je ne suis pas du genre à en écrire quinze par semaine. Ça me demande un effort énorme. Il y en a qui en écrivent trente et en gardent dix, pas moi. Moi, tous ceux que j’ai écrits sont dans l’album. Je les bichonne. Et je suis contente de chacun d’eux. Je n’écris pas de morceaux que je finis par jeter. Mais je prends mon temps, parce que c’est dur, parce que je suis un peu flémmarde aussi (rires). Jeff Buckley disait qu’il avait beaucoup de mal à écrire, que c’était lent. Ça m’a un peu rassurée.

AAS : Quels morceaux ont été les plus durs à écrire. Ceux où tu t’es le plus mise à nu ?
MADELEINE : Je n’ai pas eu trop peur de me dévoiler. Je me suis dit : « De toute façon, meuf, tu chantes en français, tu vas devoir raconter ta vie, donc j’ai assumé tout ce que j’avais à dire. Le morceau le plus dur à écrire, je crois que c’est Elsa. Tout l’album, est composé de chansons d’amour adressées à mon ex. Mais Elsa, c’est une chanson d’amitié. Et je me suis rendu compte que c’était plus difficile d’écrire sur l’amitié. Je m’adresse à l’une de mes meilleures amies, qui a été là pour moi. C’est toujours lié à mes problèmes de couple, mais je me suis sentie plus pudique en m’adressant à une amie. C’était dur.
Et puis, il y a certains textes que j’ai dû réécrire quand des événements difficiles sont arrivés. Par exemple La vie sauvage, je l’ai beaucoup remaniée. Il y avait des choses que je ne pouvais plus chanter. Et c’est un exercice intéressant : parfois, juste en changeant un « toi » en « moi », tu retournes complètement le sens d’une chanson. Tu prends ta revanche, quelque part.
AAS : L’amour est très présent dans tes chansons. Tu cherches quoi en amour ?
MADELEINE : Franchement ? Un truc simple. Que ce soit fluide, cool, qu’on se marre, qu’il n’y ait pas d’embrouille. Pour l’instant, ça va ! (Rires)
AAS : Est-ce qu’il y a des choses que tu n’oses pas encore écrire aujourd’hui ?
MADELEINE : Je commence à réfléchir à d’autres sujets. J’adorerais réussir à dire des mots doux à ma famille, mes frères, mes parents. Mais j’ai une pudeur avec eux que je n’ai pas forcément avec mes amoureux. Et puis, ce serait bien que je parle d’autre chose aussi… Parce qu’il n’y a pas que moi dans la vie. On est nombreux sur cette planète, il y a plein de problèmes. J’aimerais écrire sur la catastrophe écologique, sur l’environnement. Je ne m’en sens pas encore capable, mais j’aimerais beaucoup.
AAS: Quand on voit un festival comme Art Sonic mettre en avant une vraie parité 50/50, est-ce que tu sens que la place des femmes évolue dans la musique ?
MADELEINE : Il me semble qu’il y a beaucoup plus de filles sur scène qu’avant. Quand j’ai commencé avec mon groupe Toybloïd, il y a plus de 20 ans, on était vraiment les seules. Il y en avait sans doute d’autres, mais globalement, très peu. Et on ne faisait même pas attention à ça, à l’époque. Mais aujourd’hui, c’est clair qu’il y en a plus. Plus il y en aura, plus ça donnera envie à des petites filles de faire pareil, et plus ça créera un effet boule de neige. Et ça, c’est forcément intéressant.
AAS : Si tu devais nous conseiller deux artistes à suivre ?
MADELEINE : Je suis fascinée par THEA en ce moment. Elle est beaucoup plus jeune que moi, mais je sens que si j’avais eu son âge, j’aurais fait ce qu’elle fait. Elle a écouté les mêmes trucs que moi : Sum 41, Blink, Avril Lavigne… Et elle en fait quelque chose de 2025. Je trouve le mash-up hyper intéressant. Je l’ai vue en concert à l’Echonova à Vannes : une claque. Le public était très jeune, ultra queer, super stylé. Et j’avoue, je m’attendais à ce que les gens aient leur téléphone à la main… Mais pas du tout. Personne n’a sorti son portable. Ces jeunes ont compris qu’il fallait profiter du moment présent. C’était impressionnant.