Interview
du mois

BRÖ 

Entre rap et pop, Brö trouve parfaitement sa place et manie avec habileté ses différentes inspirations musicales. Nous avons pu la rencontrer au Festival Les Paradis Artificiels à Lille samedi 3 juin.

AAS : Bonjour Brö. Peux-tu te présenter ?

BRÖ : Je m’appelle Brö, cela fait quatre ans que mon projet de chanson-rap-variété existe. J’ai sorti trois projets, un EP Klaus en 2019, un autre EP Cassandre en 2021 et un album Grande en mars. Je fais beaucoup de concerts depuis trois ou quatre ans, et je développe mon projet dans toute la France, au Canada, en Belgique etc. J’ai une formation de musicienne et de « rappeuse de freestyle »: j’ai un peu une double casquette.

AAS : Aujourd’hui, tu te définirais comment artistiquement ?

BRÖ : Après réflexion, je dirais que j’essaie de développer un genre que j’appelle « la nouvelle variété ». C’est un genre musical pop qui a vocation à être assez populaire même s’il y a un côté un peu alternatif à ce que je fais. Je ne cherche pas à faire de la musique complexe, je cherche à faire quelque chose d’accessible. La nouvelle variété c’est une pop mais qui va chercher des influences dans plusieurs styles : le rap, la techno, la house, le RnB, la bossa et dans le rock, dans tout ce que j’aime écouter en fait. Je pense notamment au RnB, c’est un peu mon pêché mignon et je trouve ça cool d’entretenir ce genre là qui, en France, a un petit peu de mal à exister.

AAS :  Il y a une forte différence de style entre la forme, donc plutôt pop, et le fond des tes morceaux ?

BRÖ : Oui, pour le fond je vais chercher un peu plus dans le rap et la chanson française à textes. C’est vrai que j’accorde autant d’importance à la musicalité qu’aux textes et j’essaie de faire un projet qui soit profond, intelligent, qualitatif et musical mais qui ne soit pas un projet de snob. C’est cet équilibre-là qui est difficile à atteindre parce que quand tu fais des trucs hyper qualis, tu peux très vite te retrouver dans une niche. Je suis encore au début de ma carrière mais j’essaie de garder en tête que l’objectif est quand même de faire une musique populaire. Les artistes que j’admire, ce sont des artistes qui font une musique populaire. Par exemple, le summum c’est Stevie Wonder. C’est quelqu’un qui fait une musique que tout le monde écoute, que tout le monde chante aux mariages, c’est vraiment l’artiste de pop ultime et pour autant, c’est une musique hyper compliquée à jouer, à chanter. C’est une musique hyper complexe en fait. Pour moi c’est ça la bonne pop, c’est une pop que tu peux apprécier sans être initié à la musique.

©Arthur Savall-Aprosio

AAS : Comment construis-tu tes albums pour combiner ces deux aspects ?

BRÖ : Il y a des morceaux qui ont vocation à être plus ouverts, je vais chercher des thématiques tout aussi importantes, mais en les approchant avec moins de philosophie et plus d’humour, plus de rigolade, parce qu’on est aussi là pour divertir. Par ailleurs j’essaie aussi d’écrire des choses qui sont satisfaisantes pour moi, parce qu’en tant qu’auteure je pense que si je devais écrire uniquement des morceaux avec des refrains un peu drôles, je pense qu’au bout d’un moment ça serait ennuyeux. L’inverse est vrai aussi, je pense qu’il y a un équilibre à trouver.

AAS : Tu es passée par de nombreux tremplins, quels impacts ont-ils eu sur ton parcours et comment t’en es-tu servi ?

BRÖ : C’est un premier accès qui travaillent dans la musique, parce que les professionnels vont voir les tremplins pour aller dénicher les jeunes talents, donc au départ c’est hyper efficace. Si ton projet tient la route, tu peux mettre un pied dans l’industrie assez vite. Après, il faut très vite sortir de cet aspect représentation, un peu compétition, un peu The Voice, qui n’est, pour moi, pas du tout l’objectif de ma carrière. J’ai vraiment besoin de me dire que je fais quelque chose qui est artistique, commercialisable certes, mais artistique, et c’est vrai qu’e ‘avec les tremplins, il y a un côté un peu « supermarché ». En fait, ça permet de se faire un réseau et une première expérience de scène. mais je pense qu’il faut juste accepter que la musique n’est pas une compétition.

AAS :  Il y a deux ans, tu participais au Red Bull Spinner, un exercice de battle avec trois autres rappeurs, tu t’es aussi décrite comme une « rappeuse de freestyle ». Est-ce que c’est quelque chose que tu gardes en toi ou c’était juste une partie ancienne de ton parcours ?

BRÖ : Ah oui, c’était il y a longtemps ça (rires). Je n’en fais plus trop, parce que je considère que, pour moi, c’était plus une école qu’un objectif à part entière. J’ai fait ça pendant longtemps, parce que je découvrais le rap et l’adrénaline qui va avec. Ce que j’aime dans le hip-hop, c’est que tu peux te mettre dans un mood où tu performes vraiment, et c’est tellement satisfaisant. C’est comme un « conservatoire du rap » , où tu écris, tu fais des freestyles avec tes potes et tu développes énormément ta diction, ton flow, ton rythme, ta voix et ton charisme. J’ai également fait une école de musique et je pense que c’est vraiment ces deux écoles qui font mon identité aujourd’hui. Je pense qu’il faut pouvoir accéder à ces deux écoles, mais avec une certaine ouverture d’esprit et une mixité culturelle. Par exemple, j’aime beaucoup le hip-hop américain, mais on ne peut pas nier qu’il y ait énormément de musicalité. Il y a toujours des musiciens dans les groupes et je suis de cette école là. Pour autant, j’adore le rap, mais je trouve ça assez pauvre, à partir du moment où tu ne viens pas l’enrichir . C’est plutôt rare dans le rap mainstream mais, par exemple, Tuerie est pour moi l’exemple parfait d’un rappeur qui s’est très bien entouré au niveau de la réalisation de son album, qui est capable de chanter, et qui a une oreille musicale incroyable. C’est ce que je respecte énormément. C’est un artiste qui a su évoluer, c’est juste ça que j’attends d’un artiste en vrai, c’est pas tant le résultat, c’est plutôt la démarche : est-ce que t’es vraiment en train de chercher à faire quelque chose de nouveau, de différent ?

 AAS : Comment est-ce que tu t’es mise à la musique ? Qu’est ce qui t’a fait te dire que c’est ce que tu voulais vraiment être et faire ?

BRÖ : Pour être honnête, quand j’étais petite je voulais être chanteuse. J’ai toujours chanté, partout, tout le temps, et je chantais des choses qui n’existaient pas, je faisais des improvisations vocales. C’est quelque chose qui est venu remplacer beaucoup de choses pour moi, parce que j’étais très timide et la mise en mélodie m’a beaucoup accompagnée. J’ai fait un peu de piano au conservatoire quand j’étais petite aussi, j’ai appris le solfège. Plus tard au collège, j’ai monté un groupe de rock, comme beaucoup de gens, et à partir de là, c’était un peu le trajet classique. Après, j’ai fait des études de droit et quand j’étais en droit, je me suis mise à la production et à la musique hip-hop et  électronique. Puis, je me suis plus acoquinée avec des équipes de rappeurs, je me suis mise à écrire en français, parce que j’avais tendance à créer beaucoup en anglais avant. J’ai aussi fait le conservatoire de Paris, en musique actuelle. Tout ça a fait l’artiste que je suis aujourd’hui.

 AAS : Quels genres de musiques ont bercé ton enfance ? Juste avant les morceaux que tu choisis d’écouter dès l’adolescence, ceux que ta famille a pu écouter quand tu étais enfant.

BRÖ : Il n’y en a pas beaucoup, parce que mes parents ne sont pas trop mélomanes, ils écoutent ce qui passe. A la limite, c’est plus ma grand-mère qui me faisait écouter des chansons. C’était aussi constructeur de la voir, elle, comment elle réagissait à la musique, elle me disait : « Il y a rien d’aussi puissant que la musique ». Elle me faisait beaucoup écouter Michael Jackson, Santana, B. B. King. Mes parents, eux, c’était plus de la chanson, donc Gainsbourg, Brel, Brassens, Barbara. 

AAS : Dans une interview accordée à Live Actu en 2022, tu as dit qu’avec l’âge tu souhaiterais changer de moyen d’expression. Est-ce que tu as envie de te tourner vers l’écriture longue ?

BRÖ : Oui, j’essaie d’écrire une sorte de roman, si on peut dire, et j’essaie en parallèle d’écrire un essai, quelque chose de pas compliqué à lire mais avec des interrogations du quotidien. La prose, c’est un style qui m’a toujours parlé et qui m’attend à un moment donné dans ma vie quand j’arrêterai de faire la chanteuse sur scène. Mais de manière générale, j’ai aussi envie d’amener mon projet musical plus loin, dans l’image, dans ce que ça raconte, j’essaie de faire des clips un peu cinématographiques, avec des choses qui se passent, une belle image. Je pense qu’à terme j’aimerais vraiment aussi développer cet aspect là et que, même si c’est de la musique, ça aille plus loin. Je ne me vois pas juste sortir un roman, en parallèle, il faudrait que ce soit un roman qui ait un rapport avec un album. J’aurais du mal à me dissocier de mon statut de chanteuse, ça pourrait se relier.

AAS : Quelle est la suite pour toi ?

BRÖ : En ce moment, je suis en tournée. Je pars au Canada prochainement et je fais quelques festivals cet été. Je travaille aussi sur des nouveaux morceaux, justement sur un feat avec Tuerie. Je vais aussi faire des collaborations au Québec , parce qu’il y a beaucoup d’artistes là-bas que j’aime beaucoup et que je trouve vraiment chauds. Notamment Les Louanges, dont j’avais fait la première partie l’année dernière à Montréal.

AAS : Est-ce que tu as d’autres noms d’artistes à suivre ?

BRÖ : Il y a une artiste qui s’appelle Ehla, qui vient de sortir un album qui est trop bien, que moi j’adore. J’ai aussi une collègue qui s’appelle Miae, elle vient de sortir son premier single, c’est très pop et c’est super bien fichu, franchement je pense qu’elle va aller loin.

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