Sopycal dévoile aujourd’hui Erreur 404, un EP pop cloud où la mélancolie se cogne à l’urgence de l’espoir. Libre et insolente, elle y explore ses zones de fracture, entre puissance et vertige, désobéissance et sincérité brute. Un disque traversé par la résilience, qui appelle autant à ressentir sa force autant qu’à se relever.
À l’occasion de la sortie d’Erreur 404, nous avons échangé avec Sopycal sur ce nouveau chapitre.
AAS : Tu as une aura forte, une manière singulière d’imposer ta présence. Mais si tu devais dire simplement qui tu es aujourd’hui, tu dirais quoi ?
SOPYCAL : Je suis une fille qui vient de l’océan. J’ai grandi dans le Sud-Ouest. Aujourd’hui, je vis à Paris. À la base, je suis venue pour le théâtre, comme comédienne, et pour l’image. J’ai tourné dans pas mal de projets. Puis un jour, j’ai commencé à publier des vidéos, je faisais du slam et du rap avec mes potes… Mon entourage m’a encouragée à aller plus loin. Petit à petit, le projet musical s’est professionnalisé, et Sopycal est née.
AAS : Tu viens de sortir un EP, Erreur 404. Tu l’as écrit dans un moment assez dur, entre douleurs physiques et intimes. Quand tu repenses à ce projet, qu’est-ce que tu vois dedans? Et qu’est-ce qu’il raconte de toi, vraiment ?
SOPYCAL : Erreur 404, c’est mon projet le plus intime. Il raconte autant ce qui m’a détruite que ce qui m’a reconstruite. J’aime qu’il y ait toujours une note d’espoir à la fin.Il y a deux ans, j’ai découvert que j’avais une tumeur dans le petit bassin, en plus de l’endométriose. L’opération a duré beaucoup plus longtemps que prévu. Je me suis retrouvée seule, sans pouvoir bouger, à l’hôpital… et ça a fait remonter beaucoup de traumas. Il y avait enfin de l’espace pour que ces choses existent, et pour que j’en parle à travers la musique. Cet EP m’a permis de réparer… et j’espère qu’il aidera aussi d’autres personnes à se réparer. À trouver du temps, simplement, pour s’aimer.

AAS : Est-ce que ce deuxième EP, c’était un besoin de poser les choses ? Ou bien un entre-deux avant un album plus long, plus posé, plus incarné ?
SOPYCAL : J’ai fait environ vingt maquettes, et c’est en les écoutant avec mon manager qu’on s’est rendu compte qu’il y avait un EP, qu’il y avait un vrai sujet. En échangeant aussi avec l’artiste Louisadonna, on a vu qu’une thématique forte ressortait : l’erreur 404, la dissociation, ce que le stress post-traumatique peut provoquer, ou encore les relations toxiques. Ça faisait un thème, ça faisait une matière, presque ce qui aurait pu devenir un livre ou une peinture ! Musicalement aussi, avec Kelyboy, on a pris le temps de réfléchir à ce qu’on voulait faire, à la couleur qu’on voulait donner. La première fois, on était peut-être allés un peu vite sur certaines choses. Le premier EP était une première expérience.
Celui-ci est plus conscient. Pour la suite, je ne sais pas du tout. Je suis en train de découvrir que je chante, que j’ai une voix qui peut chanter. Et ça, c’est trop cool, donc je ne sais pas encore ce qui viendra. Mais ce qui est sûr, c’est que j’ai envie de donner de l’espoir et de l’amour aux gens.Je pense qu’on s’ancre dans le présent, et que c’est ce dont les gens ont le plus besoin. C’est pour ça que c’était important que ce soit un EP. Peut-être que j’irai vers ce dont moi j’ai besoin… et dont les gens ont besoin aussi.
AAS : Il y a un titre qui s’appelle Revenge. Tu y évoques parfois des violences, mais toujours avec pudeur. Est-ce que la musique t’aide à dire ce que tu ne peux pas formuler ailleurs ? Et plus précisément, avec ce single Revenge, tu touches à quelque chose de très fort, très frontal. Qu’est-ce que tu as voulu poser avec ce morceau ?
SOPYCAL : La colère, je l’exprime très peu dans mon quotidien. Je suis plutôt quelqu’un de calme, de patiente. La musique me permet de cristalliser certaines émotions que je garde à l’intérieur. Ce single Revenge m’a permis d’exprimer une colère qui est légitime chez les femmes : une violence qu’on garde en soi, qu’on n’exprime pas, mais qui existe bel et bien. Et j’espère que ce morceau aidera d’autres personnes à l’exprimer à leur tour.
AAS : Tu t’es beaucoup construite grâce aux réseaux, en partageant des freestyles, des vlogs, des pensées… Est-ce que tu as parfois l’impression qu’on te connaît sans vraiment te connaître ?
SOPYCAL : Mais complètement. Et ça, c’est vraiment la question. Je pense que les gens m’ont suivie par étapes. À la base, beaucoup me suivaient pour le cinéma et le théâtre. Ensuite, j’ai changé : j’ai présenté des choses plus proches du mannequinat, de l’influence. Puis il y a eu les freestyles. J’ai donc montré différentes périodes de moi sur les réseaux. Forcément, certains ont décroché. Et je comprends, parce que construire une vraie communauté fidèle, c’est un travail à part entière et ce n’est pas vraiment mon métier. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la communauté recommence à grandir. Et je m’amuse beaucoup sur les réseaux : à devenir une meilleure comédienne, une meilleure chanteuse, à me dépasser.
Je pense que les gens suivent l’aventure d’une artiste qui est en train de se découvrir. Et c’est normal que si moi je me découvre, les gens me découvrent aussi, et que ma musique se découvre en même temps. C’est pour ça que le processus est lent. Il y a des artistes qui arrivent sur les réseaux avec déjà dix ou vingt ans de carrière musicale derrière eux, leur projet est très construit. Moi, quand je suis arrivée, je ne savais pas chanter. J’ai appris à chanter, et j’apprends encore la guitare. Je découvre de nouvelles personnes, et de nouvelles personnes me découvrent. Et ça, c’est trop bien.
AAS : L’industrie musicale dont tu fais partie, tu la vois comme un obstacle, une nécessité… ou un système que tu peux réinventer ?
SOPYCAL : Je pense qu’on peut réinventer le monde. Chaque jour, on peut être le monde qu’on veut voir demain. Ça, ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est un petit mec… je crois qu’il s’appelle le Dalaï-Lama, mais je ne trouve pas ça trop con. Au contraire, c’est plutôt juste, parce que ça montre qu’on a des possibilités même si elles existent toujours dans le monde tel qu’il est.
Je pense aussi qu’il faut travailler en collaboration. On fait partie du système de l’industrie musicale, et il faut trouver des leviers de pouvoir à l’intérieur. Pour moi, le collectif et surtout les collectifs de femmes peuvent être des leviers de pouvoir pour proposer et prendre plus de place dans une industrie qui, pour l’instant, ne nous en laisse pas assez. Mais est-ce que c’est à nous de la prendre ou à eux de nous la donner ? Je pense que c’est un peu des deux.


AAS : Est-ce que tu t’es déjà sentie réduite à un rôle dans cette industrie musicale ? Et comment tu gardes le cap sur qui tu veux être ?
SOPYCAL : Comme tout le monde au début, j’ai l’impression qu’on raconte toutes un peu la même histoire… C’est comme en colonie de vacances : les premières personnes qu’on rencontre ne sont pas toujours les bonnes. Il y a eu des choses que j’ai trouvées assez violentes.
Dans le théâtre et le cinéma, tu sers un projet en tant que comédienne. Mais je n’avais pas envie, dans la musique, de servir les envies ou le propos de quelqu’un d’autre. La musique, je n’ai pas besoin d’en vivre si je ne veux pas : j’ai déjà un métier. Soit je le fais exactement comme j’en ai envie, soit je ne le fais pas, et je m’en fous. Si je n’ai pas envie de signer avec quelqu’un, et que personne ne veut entendre parler de moi, eh bien ce n’est pas grave : je pourrai toujours prendre une guitare dans mon salon et chanter. On ne pourra jamais m’enlever ma voix, ni ma musique.
Je n’existe pas sans liberté. Je suis anti-matérialiste. Ma liberté existe sans contraintes. Je n’aime pas posséder des choses, et je ne veux pas qu’on m’impose quoi que ce soit. J’ai beaucoup de chance de travailler avec Ovastand mon label, qui fait preuve de beaucoup de douceur et de bienveillance avec moi, et qui comprend bien ma direction.J’ai trouvé un endroit qui ressemble à ce que j’ai envie d’être en tant qu’artiste.
AAS : Qu’est-ce que tu aimerais que les artistes qui lisent cette interview retiennent de ton parcours ? Et toi, qu’aurais-tu aimé apprendre plus tôt ?
SOPYCAL : J’aimerais que les artistes retiennent qu’il n’y a pas de parcours parfait, et que les échecs sont aussi importants que les réussites. Il faut les célébrer. C’est l’adversité qui nous rend beaux et sublimes. Ça fait écrire de superbes chansons… même si, évidemment, il vaudrait mieux que le monde fonctionne différemment. J’ai eu beaucoup de chance, à mes débuts, d’avoir des gens qui m’ont dit des choses difficiles, et d’autres de très belles choses. J’aimerais que l’on continue à se dire des choses importantes, à se soutenir, parce qu’on a besoin de ça. Dans la musique, j’ai vu les musiciens et musiciennes se suivre et se soutenir bien plus que dans le théâtre et le cinéma. On est ensemble. Ça ne sert à rien de se tirer dans les pattes. Au contraire, on se donne de la lumière.